Emprisonné

Nyme passa la nuit à tourner en rond dans la cellule. Il avait de la chance d’avoir été enfermé tout seul. Mais il ne pouvait parvenir à s’endormir. Il ne pensait pas trop à ce qui risquait de lui arriver mais plutôt à Théodora qui devait s’inquiéter alors qu’il n’avait pas pu lui expliquer pourquoi on l’emmenait. Il se consolait en se disant qu’elle n’était pas complètement seule. Au petit matin, on revint le chercher pour l’interroger de nouveau. Encore et toujours les mêmes questions.

- Ce n’est pas moi…

- Reste éveillé ! Et avoue ! De toute façon on a bien assez de preuve contre toi !

- Je suis pas idiot…vous avez rien…

- On ne te demande pas ton avis !

Et c’était comme ça pendant des heures. Il resta tout tranquillement à essayer de savoir ce qu’ils avaient véritablement contre lui. Mais le manque de sommeil et toute cette répétition sans compter les coups, ça finissait par le faire douter lui-même de son innocence.

Puis au matin il put entendre des éclats de voix provenir du commissariat, et, chose curieuse, cette voix ressemblait étrangement à celle de... Nathanael.

C'est une honte, je vous préviens que vous détenez mon client de manière illégale, et vous avez intérêt à exposer clairement vos preuves sinon cette arrestation sera arbitraire![/i

Puis il le vit arriver, accompagné d'un petit homme au cheveux gris, mais d'aspect sympathique. Nathanael fit des présentations rapides.

[i] Nyme, je suis allé chercher de l'aide dès que Theodora m'a prévenue. Je te présente Sir Williamsburg, grand spécialiste des crimes, et qui est aussi mon professeur à l'université. Je lui ai parlé de l'affaire et il a été très intéressé. Monsieur Williamsburg, voici mon beau-frère, Nyme Wintercome.

L'avoué lui tendit la main à travers les barreaux et lui sourit avec gentillesse.



Rassurez-vous mon ami, ils n'ont rien contre vous, pfuit, du vent! - il accompagna son onomatopée d'un étrange mouvement de la main- Je vais tout faire pour vous tirer de là, soyez sans crainte!

Assis dans sa cellule, Nyme écoutait ce qui se passait autour pour s’occuper un peu. Il cru alors reconnaître la voix de son beau-frère mais se dit qu’il devait être si fatigué qu’il hallucinait…Ayant encore un peu d’espoir, il regarda à travers les barreaux quand il entendit des bruits de pas et aperçu alors Nathanael et un autre homme. Nyme se leva d’un bond pour s’approcher des barreaux quand ils se rapprochèrent. Il serra la main du professeur.

- Merci monsieur, vous ne vous imaginez pas à quel point je suis content de vous voir.

Nyme était toujours certain qu’ils n’avaient rien de concret contre lui…ils devaient sans doute s’appuyer sur sa réputation, son travail…et les antécédents de sa famille. Mais le crime, ce n’était pas héréditaire après tout....

- Nathanael c’est bien la deuxième fois que tu me sauves la vie ! Je vais te devoir beaucoup.

Il souriait un peu, se disant que cette fois tout irait bien.

L'avoué était parti discuter avec les forces de l'ordre, pendant que Nathanael restait à réconforter son beau-frère, qui semblait en avoir bien besoin. Il lui sourit, serrant les mains de Nyme entre les siennes.

Eh, on est presque des frères! Alors entre frères, on s'entraide, c'est normal! Et puis... qui saurait s'occuper de ma Théodora si vous n'êtes plus là?

Puis Nathanael sembla réfléchir une seconde. Il avait à peine dormi, et réveillé tout Londres dès qu'il avait appris la nouvelle.

Mais qu'ont-ils contre toi exactement?

-Théodora, comment va-t-elle ?

Elle devait avoir eu toute une peur la pauvre de voir la police débarquer comme ça.

- Disons qu’à part ma réputation…ils doivent se fier aux…exploits des dernières générations de ma famille…

C’était plutôt étrange comme cas car en faite, toutes les histoires où des membres de sa famille furent impliqués semblaient avoir été oublié même s’il elles avaient fait la une pendant un bon moment. Mais le silence est une chose facile à acheter quand on en a les moyens.

- Sinon je ne vois pas…mais ils ne veulent rien me dire, ils ne font que me répéter qu’ils ont tout ce qu’il faut pour me faire emprisonner et qu’il est préférable pour moi de tout avouer.

Nathanael n'en savais pas plus sur l'état de santé de sa soeur. Il avait seulement reçu un message de sa part, griffonné à la hâte, où elle l'avertissait du problème.

Dès que j'ai reçu son message j'ai accouru chez mon professeur de droit, et je viens ici en droite ligne. Mais je suis sur que tout ira bien!

Nathanael jeta un regard suspicieux à gauche puis à droite, avant de se pencher vers Nyme et lui avouer à mi-voix.

Si ils s'obstinent à dire qu'ils ont tout pour te faire parler, mais qu'ils ne l'ont toujours pas fait, c'est qu'ils n'ont rien, et qu'ils espèrent tu vas tout avouer. Ne dis rien, et garde confiance, je suis sûr que tout va s'arranger.

Theodora pénétra en trombe dans le commissariat, et exigea à ce que les deux enfants soient entendus tout de suite. Un officier un peu plus aimable que les autres les emmena dans une salle un peu plus loin, pendant que Théodora soufflait quelques instants.

Bientôt, elle fut amenée par Nathanael devant la cellule de son mari, et elle eut du mal à retenir ses larmes en voyant celui qu'elle aimait derrière des barreaux. Elle lui prit les mains et les serra très fort. Son visage avait pâli, et ses cernes de ses derniers jours s'étaient encore accentuées. Elle ne paraissait pas au mieux de sa forme.

Tu ne vas jamais me croire mais, William et l'autre petit du cocher, ils ont vu le meurtrier l'autre jour quand ils étaient à Londres! Ils ont même ramassé un de ses gants! Maintenant j'espère simplement que la police va les écouter et les croire... Tu te rends compte, sous notre nez!

Son regard brillait de joie, mais cet instant ne dura pas, car à nouveau un spasme lui vrilla le bas-ventre. Elle s'agrippa aux mains de Nyme, le souffle coupé par la douleur, avant de respirer peu à peu. Elle tenta de sourire à nouveau, pour donner le change.

On va te sortir de là...

Ne pas avoir de nouvelles l’inquiétait un peu…il aurait voulu s’assurer qu’elle se portait bien. Nyme faisait ce qu’il avait prit l’habitude de faire, il regardait autour en attendant que quelque chose se passe. Au moins, il avait un peu de compagnie. Il aperçu alors Théodora qui surgit devant sa cellule et s’empara de ses mains. Qu’est-ce qu’elle faisait là ! Ce n’était pas un endroit pour elle ! Mais il était tellement content de la voir, il lui aurait sauté dans les bras si ce n’était pas de ces fichus barreaux.

Sa femme lui raconta ensuite qu’elle avait amené avec elle deux gamins qui avaient vu le véritable meurtrier. Mais quand même…est-ce que les policiers les croiraient ? Ils pourraient quand même facilement dire que les enfants avaient été influencé pour témoigner ainsi. Nyme vit alors que Théodora n’allait pas bien et il sentit son cœur s’affoler.

- Qu’est-ce qui se passe ?

Il serra ses mains et la regarda dans les yeux on pouvait bien lire toute son inquiétude en la voyant avoir mal tout d’un coup.

Pendant ce temps, les deux enfants tentaient d’expliquer ce qu’ils avaient vu et de répondre aux questions qu’on leur posait.

Elle tenta de le rassurer en lui accordant un de ces beaux sourires.

Ne t'inquiètes pas, je suis juste fatiguée... Je n'ai pas dormi cette nuit. Heureusement que le petit garçon...

Elle se lança alors dans le récit de sa nuit mouvementée, racontant comment elle avait obtenu ces informations. Puis elle resta à côté de lui, sans lâcher sa main, en attendant des nouvelles de la part de la police.


Elle ne rêvait que d'une chose, retourner tous au manoir, et reprendre leur vie quotidienne si fantastique...

Theodora pleura de joie lorsque son mari fut enfin délivré, et elle se jeta dans ses bras, le serrant avec force comme si elle avait peur qu'on le lui enlève à nouveau.
Et c'est à regret qu'elle le laissa s'entretenir avec le commissaire en chef, et elle en profita pour se préoccuper des deux petits garçons.

Puis enfin il sortit, libre et innocenté, malgré les remarques des policiers. Arrivés dans la berline, elle se lova tout contre lui, comme pour se persuader qu'il n'était pas un rêve, ni une hallucination, mais que leur cauchemar était enfin terminé.

Je crois que c'était la pire nuit de ma vie...

William et Terrence avaient dit tout ce qu’il était possible pour eux de se souvenir de la seconde où ils avaient pu apercevoir le meurtrier et remirent le gant au policier. On les laissa ensuite partir, sachant où aller les trouver si jamais il fallait leur poser d’autres questions. Ils retournèrent donc rejoindre Théodora.

Nyme remercia Sir Williamsburg et Nathanael avant de monter dans le carrosse pour se blottir contre sa femme. Il la sentait toute tremblante dans ses bras mais était si heureux de l’avoir à ses côtés.

- Heureusement que ça n’a pas duré plus longtemps.

Les gamins étaient assis en face d’eux et dormaient déjà des buches, ça avait apparemment été une soirée épuisante pour eux aussi.

Elle posa sa tête sur l'épaule de son mari, et durant le trajet de retour, resta tout contre lui, comme si elle avait peur qu'on lui enlève, qu'il disparaisse à nouveau. Des heures horribles, seule dans cette immense bâtisse, à entendre le bruit horripilant de l'antique horloge égrenant secondes, minutes et heures. Tout ce temps sans lui...

Lorsqu'ils arrivèrent, elle laissa le cocher s'occuper des deux petits qui dormaient toujours aussi profondément sur les banquettes. Elle ne put réprimer le sourire qui s'affichait sur ses lèvres en les voyant si innocents, et d'une si grande aide! Elle leur achèterait à chacun un beau cadeau pour les remercier.

Elle sortit de la berline, et se rendit compte que, dans la précipitation, elle n'avait même pas pris le temps de s'habiller... Elle rit en accrochant sa cape au porte-manteau de l'entrée, puis commença à grimper les marches menant à leur chambre. Elle se tourna, comme pour vérifier que son amour était bel et bien ici avec elle.

Viens... je ne peux plus dormir seule dans ce grand lit...

Ses yeux avaient conservé ses cernes et sa longue chevelure, d'habitude coiffée avec soin, était toujours en bataille. Elle monta encore deux marches quand à nouveau, un spasme violent la contraignit à s'agenouiller sur la marche suivante, le souffle coupé par la douleur.

Pendant tout le trajet, Nyme serra la main de Théodora dans la sienne en regardant le paysage défiler. Une fois arrivé, il descendit pour retourner chez lui. Il était épuisé. Il gravit les marches avec sa femme pour rejoindre leur chambre. Il sursauta en la voyant tomber à genoux et s’empressa de grimper les quelques marches qui les séparaient.

- Qu’est-ce que tu as ?

Nyme s’agenouilla à ses côtés afin de le regarder, d’essayer de comprendre ce qui se passait. Elle avait la même expression que lorsqu’elle avait subitement serré ses mains quand il était dans sa cellule…Est-ce que c’était à cause du bébé ? Est-ce que c’était grave ? Mais qu’est-ce qu’il en savait lui ! Il ne s’occupait pas de femme enceinte normalement ! Pourquoi n’avait-il pas réussis à lui trouver un bon médecin…il avait pourtant dit qu’il le ferait…Nyme se sentait mal, il se disait que c’était de sa faute et craignait de se retrouver dans une situation où il ne pourrait rien faire d’autres que de regarder Théodora souffrir…Oh ! Il n’aurait qu’à envoyer le carrosse chercher un docteur !

Le chauffeur réveilla les enfants pour les ramener bien au chaud dans leur lits pour le reste de la nuit. Il alla ensuite lui-même se coucher.

Heureusement, après quelques secondes, elle se releva lentement, et reprit son souffle. Elle tenta de sourire pour rassurer Nyme, et lui tendit la main pour qu'il l'aide à remonter dans leur chambre. Elle aussi était très inquiète à l'idée de ce qui pourrait se passer pour le bébé, mais cette nuit, avec Nyme en prison et l'histoire des deux petits garçons, elle avait mis tout ça de côté. La seule chose qui importait était de sortir son mari de prison, le plus vite possible. Elle n'aurait pas supporté de le voir séparé d'elle, et, de plus, si il avait été condamné, elle était certaine que plus jamais elle n'aurait osé se montrer en public, de peur d'entendre des réflexions et des remarques blessantes. Condamnée à vivre seule dans cette grande maison isolée avec le vieux majordome et l'enfant de Nyme...

Maintenant, tout irait mieux, tout était arrangé...

Elle se glissa sous l'épais édredon et se blottit tout contre Nyme, avant de s'endormir en quelques secondes.

Nyme continuait à s’en faire, il la surveillait, prêtant attention au moindre de ses gestes. Il l’aida à monter les marches qui restaient et ne la lâcha que lorsqu’elle se coucha. Il se changea avant de la rejoindre. Théodora s’endormit rapidement, il sentait son souffle régulier. Malgré sa fatigue, Nyme resta éveillé encore un bon moment à chercher une explication à ce qui venait de se passer pour tenter de se rassurer un peu. Mais l’épuisement finit par prendre le dessus et il s’endormi d’un coup.

Il passa la nuit à dormir profondément en serrant sa femme contre lui. Heureusement qu’il n’était pas resté là plus longtemps, il serait devenu fou c’était certain, à tourner en rond dans une petite cellule à se poser des milliards de questions qui seraient resté sans réponse, à savoir que Théodora se retrouverait seul avec leur enfant…Il était plutôt tard le matin quand son sommeil s’agita…

*Flashback*

Il avait eu une bonne journée à chasser les grenouilles au bord du lac et Eléonore l’avait envoyé se coucher tôt. Nyme se tournait dans son lit et entendit la porte du manoir s’ouvrir. Il se glissa donc sur la pointe des pieds jusqu’au bord de l’escalier pour voir son père entrer, mais il n’était pas seul. Il ne voyait qu’une ombre, donc impossible de savoir avec qui il était. Son père disparut de son champ de vision et se curiosité le poussa à descendre les marches pour aller voir ce qui se passait. En silence, il s’avança vers la porte au fond du couloir d’où il pouvait voir une faible lumière provenir. Il s’approcha lentement, pas à pas et juste au moment où il posa sa mains sur la porte pour l’ouvrir, il croisa le regard de son père et vit son imposant silhouette s’approcher. Ses pas raisonnaient comme ceux d’un véritable géant pour le petit garçon qui se tenait au mauvais endroit. La porte s’ouvrit d’un coup sec…

*Fin Flashback*

Nyme se réveilla en sursaut, couvert de sueur et regardant partout autour de lui.

Theodora quant à elle, dormit d'un sommeil de plomb, maintenant que toutes ses angoisses s'étaient dissipées. Son visage était détendu et serein, et elle resta toute la nuit lovée contre lui. Pas une seconde elle ne l'avait soupçonné, il était si doux, si gentil et si naïf, jamais il n'aurait pu commettre les atrocités dont on l'accusait.
Pour la première fois, elle rêva de leur enfant, un petit garçon aux cheveux noirs, comme Nyme, mais aux yeux noisette comme les siens. Elle le voyait monter à poney dans le parc, alors qu'elle et Nyme étaient assis sur un banc, toujours aussi amoureux, et le regardaient du coin de l'oeil.
Tout était parfait...

D'un coup elle sursauta en sentant Nyme se redresser brusquement dans leur lit. En un regard elle comprit que son mari était bouleversé. Elle se rapprocha de lui et le prit dans ses bras.

Doucement... ce n'était qu'un rêve... Détends-toi... Que s'est-il passé?

Nyme sursauta encore quand Théodora le prit dans ses bras. Il reprit son souffle et regarda ses mains un moment puis regarda sa femme.

- Un mauvais rêve….c’est tout….ce n’est rien…

Il tenta de se ressaisir un peu mais les images lui revenaient en tête. Le cauchemar semblait anodin mais c’était surtout ce qu’il se souvenait de ce qui était arrivé après qui le faisait réagir ainsi. Nyme se cacha le visage dans les mains un moment pour tenter de se calmer et cesser de trembler. Heureusement qu’elle était là…il avait beaucoup moins peur en sachant qu’il ne se retrouvait pas tout seul dans le noir à affronter son cauchemar.

- Désolé de t’avoir réveillée.

Nyme prit une profonde respiration en la serrant contre lui comme pour éviter qu’elle parte.

Elle sentit à quel point Nyme était bouleversé, et continua à le serrer contre elle, comme pour absorber les mauvaises impressions qui restaient en lui et le soulager.

C'était plus qu'un mauvais rêve... tu trembles comme une feuille... Tu veux me raconter?

Elle espérait que parler de son rêve l'aiderait à aller mieux, à se défaire de ce qui le hantait.

Elle le fit doucement se rallonger, et se glissa contre lui, lui caressant la joue.

Ca te ferait du bien d'en parler...

Il n’était pas certain de vouloir lui en parler…Nyme savait le mal que ça avait pu lui faire et n’en parlait jamais puisqu’il avait l’impression que ça risquait d’affecter les autres s’il osait en parler. Il se recoucha et Théodora resta contre lui en insistant un peu.

- Ce n’est rien….c’est simplement que j’ai pensé à mon père…

En faite, ce n’était pas tant son père qui l’effrayait tant, il le détestait bien plus qu’il ne lui faisait peur.

- Quand j’étais petit, je l’ai vu revenir un soir mais il n’était pas seul…j’ai été voir ce qu’il faisait…je m’en souviens mal mais parfois j’ai l’impression que les images me reviennent…Quand il a vu que j’étais là, il m’a attrapé par le bras et il m’a trainé à l’intérieur…C’était la pièce, au fond du couloir, celle où j’ai mis un cadenas…

Il n’avait d’ailleurs jamais été capable d’y remettre les pieds.

- Il m’a montré ce qu’il faisait…en me forçant à rester assis à regarder…tout ce que je peux te dire c’est que quand il est sorti de la maison le lendemain et tout les autres jours, il était seul…

Elle pâlit en entendant les confessions de Nyme... des mots qui étaient tout aussi douloureux pour lui de prononcer, qu'à elle à entendre.
D'après ce que Nyme lui avait dit, le spectacle auquel il avait été forcé d'assister avait du être traumatisante au plus haut point. Tellement que sa mémoire avait tenté de l'étouffer, mais que tout ça demandait à sortir.

Elle lui caressa doucement le visage, essayant de l'apaiser encore.

Jamais je ne comprendrai qu'on puisse faire endurer ça à un enfant... Je te jure que jamais ce qui t'es arrivé ne se produira ici. Jamais je ne le permettrai...

Puis elle hésita. Devait-elle le pousser à parler? Ou au contraire lui laisser le temps nécessaire? Elle préféra ne rien dire et rester contre lui, à lui caresser doucement les cheveux.

Ce souvenir revenait parfois le hanter dans certaines périodes de sa vie. La première fois, c’était en médecine, la première fois qu’il avait dû étudier concrètement l’anatomie, il s’était évanoui en voyant le cadavre. Ensuite, la première fois qu’il avait dû opérer, il n’avait pas fermé l’œil toute la semaine qui suivit. Et maintenant alors qu’ils allaient avoir un enfant, et qu’il avait été accusé d’être un criminel. Mais qu’est-ce que ça aurait comme effet cette fois ?

- C’était une femme.

Dit-il simplement. Il se blottit contre elle à la recherche de réconfort. Nyme n’en dit pas plus, il resta silencieux un long moment.

- Il n’y a pas que des petits animaux et des arbres dans la boisé derrière le manoir…mais au moins, il est mort maintenant…il ne peu plus rien faire.

Nyme posa doucement sa main sur le ventre de Théodora et ferma les yeux un instant.

- Ça n’arrivera plus.

Il avait dit ça tout bas, dans un murmure avant de relever les yeux vers sa femme. Il la regarda un peu et réussis même à sourire.

Elle comprit la détresse de Nyme allongé à côté d'elle, et sentit que ce qui lui était arrivé aurait encore des répercussions sur lui pendant un long moment, voire certainement jusqu'à la fin de ses jours. Que son père serait toujours un fantôme qui le hanterait, quoi qu'il arrive. Quel monstre avait-il pu être? D'un seul coup, la perspective de vivre ici lui donnait la chair de poule, si des atrocités comme celles que Nyme avait évoquées s'étaient déroulées ici.

Mais elle fut émue lorsqu'il lui posa la main sur son ventre. Même si sa grossesse n'était qu'à peine perceptible, il n'avait encore eu ce geste envers elle. Elle posa sa main par dessus la sienne, et comme elle l'avait fait lorsqu'il était malade, elle se mit doucement à chanter une vieille berceuse qu'elle connaissait.

Comme elle n’était pas enceinte depuis longtemps, ce n’était pas encore évident à voir mais c’était rassurant de savoir que ce petit trésor ce trouvait bien là, encore bien à l’abri. Cet enfant pourrait avoir la chance de grandir dans une famille unie qui l’aimerait plus que tout. Nyme resta contre sa femme en l’écoutant chanter, se disant que leur enfant aurait de la chance de pouvoir l’entendre pour s’endormir.

- Merci d’être là, j’en ai tellement besoin.

Il se blottit contre son épouse en l’entourant de ses bras et en déposant un doux baiser contre ses lèvres. Ils avaient tant de projets à réaliser tout les deux, autant de grandes choses telles que l’orphelinat comme de plus petite. Il avait par exemple voulu montrer à Théodora à faire du cheval mais ça devrait évidemment attendre maintenant. Il faudrait aussi faire quelques travaux à la maison pour la rendre un peu plus accueillante mais déjà les petits pas d’un enfant dans les couloirs la rendraient bien plus vivante déjà.

Elle s'interrompit dans son chant lorsqu'il lui fit un beau compliment. Chaque fois que d'aussi beaux mots sortaient de ses lèvres, elle avait l'impression de retomber encore un peu plus amoureuse de lui, si c'était possible.

On est mariés pour le meilleur et pour le pire... Je t'aime, alors c'est normal que je veuille t'aider!

Elle était folle de lui, sa douceur, sa gentillesse, son dévouement pour elle comme pour les autres. Tout le monde n'aurait pas accepté de se lancer dans une telle aventure que celle de l'orphelinat, mais il s'était lancé, même si il avait du faire beaucoup d'efforts pour cela. Il avait le pouvoir de changer les choses, et il l'avait fait.

Maintenant elle portait en elle la preuve de leur amour, et elle espérait que ce petit être aide celui qu'elle aimait à guérir de ses démons. Elle resta contre lui, la tête au creux de son épaule et sa main caressant doucement son torse.