Dénouement

Il resta à ses côtés, heureux de pouvoir profiter de sa présence et de sa lucidité retrouvée. Et surtout de pouvoir discuter avec Théodora en étant certain qu’elle comprenne ce qu’il lui disait. Mais tout ça avait eu pour résultat la question à laquelle il c’était attendu. Nyme ne voulait pas lui mentir mais ne pouvait pas tout lui révéler non plus, il tenta donc de régler la situation de la manière la plus simple possible.

- Tu as dû remarquer que depuis quelques mois ton frère et moi nous nous voyons souvent…et bien c’est qu’il croyait que l’épidémie qui s’est déclenché récemment et qui a faillit nous couter la vie avait été créé volontairement. Nous avons donc tenté de découvrir qui avait pu faire ça et…apparemment nous sommes tombés sur la bonne piste et ces personnes n’ont pas appréciés…voilà pourquoi ils se sont attaqués à toi, pour être certain que nous gardions ce que nous savons pour nous.

Il n’avait pas mentionné de nom alors tout devrait être parfait…en théorie. Elle en savait déjà suffisamment.

- Mais maintenant ils sont partis…nous n’avons qu’à n’en parler à personne et ils nous laisseront tranquille.

Quoique Nyme n’avait pas l’intention de les écouter et comptait bien se venger pour la crainte qu’il avait vécu durant ces derniers jours et surtout pour le mal qui avait été fait à sa femme qui n’avait rien à voir dans cette histoire. C’était un coup bas, une injustice de plus.

Elle l'écouta avec intérêt, elle allait enfin savoir la clef du mystère. Elle posa son menton sur ses mains croisées, posées sur le rebord en émail. Si tout se tenait, elle réagit violemment en entendant la fin de l'histoire de Nyme.
Elle lui jeta un regard douloureux et blessé, et mit quelques instants à pouvoir retrouver la parole.

Ils ont failli me tuer, et risquer la vie de ton enfant, et toi tu ne veux rien faire? Je... je ne pensais pas tu n'aurais pas le courage de les affronter

Elle se sentait vraiment blessée. Nyme ne lui avait révélé qu'une infime partie de toute l'affaire, et elle ne pouvait pas savoir quels étaient les enjeux. Elle avait simplement compris que son mari s'était mis dans un sale pétrin, mais qu'il n'avait pas le courage de se venger de ceux qui lui avaient fait du mal, à elle et à leur enfant. Elle détourna le regard en se mordant les lèvres, et tenta de se redresser pour s'extraire de la baignoire, mais ses jambes ne la portaient pas et elle retomba lourdement dans l'eau mousseuse.

Il comprit la réaction de Théodora. Évidemment qu’il n’allait pas rester les bras croisés ou tout simplement caché pour éviter que pire encore ne se produise mais il ne pouvait pas le dire à Théodora. Du moins, pas tant qu’il n’aurait pas une idée clair et précisent de quand ils iraient en Inde régler leur compte. Nyme n’aurait pas la patience d’attendre leur retour. Elle tenta de se lever mais retomba dans l’eau.

- Fait attention, tu vas te faire mal…

Il alla chercher une grande serviette avant de l’aider à sortir de l’eau. Il la ramena dans la chambre et l’installa confortablement dans leur lit. Elle semblait lui en vouloir. Il s’assit à ses côtés.

- Calme toi…ne t’en fais pas je m’occupe de tout. Tu me connais, je ne laisserais personne te faire du mal ou plutôt vous faire du mal sans rien faire. Mais une vengeance est une chose qui se planifie bien. En parlant de petite vengeance, il faudra aller en ville quand tu iras mieux pour te faire confectionner de nouvelles robes.

Nyme avait bien hâte de retourner là où il avait rencontré Théodora. Surtout depuis qu’il avait rencontré celle qui avait contrainte sa femme à ne pas travailler pendant de nombreux jours ce qui aurait pu lui faire perdre son logis et l’empêcher de manger s’il n’avait pas été là pour elle.

Elle voulait le repousser, elle voulait qu'il s'éloigne. Il l'avait si bravement défendue avant leur mariage, contre les autres, contre les préjugés, et là il baissait si vite les bras, alors que des choses beaucoup plus graves s'étaient produites. Il l'avait déçue.

Elle essaya de se débrouiller toute seule, sortir de la baignoire pour pouvoir s'éloigner de lui, mais elle en était incapable. Alors, aussi bouleversée qu'elle pouvait être, elle dût accepter son aide. Elle le laissa la sécher, l'habiller, puis la prendre à nouveau dans ses bras et la déposer sur leur lit comme au soir de leur mariage... Etait-il possible qu'il ait changé à ce point? Il semblait toujours autant amoureux, aussi dévoué et attentionné.

Heureusement, ses doutes s'envolèrent lorsqu'il commença à lui expliquer son plan, et ses souhaits de vengeance. Son sourire réapparut sur son visage. Comment avait-elle pu douter de lui? Il avait risqué sa vie pour la tirer de là!

Excuse-moi d'avoir douté de toi... Bien sûr que tu nous protègeras... toujours...

Elle se souleva légèrement et l'embrassa avec passion, caressant son visage de sa petite main. Elle lui sourit, comme d'habitude, et se laissa retomber dans les oreillers frais et les draps propres avec un soupir de satisfaction. Elle hocha la tête lorsqu'il parla de lui acheter de nouvelles robes, son sourire toujours aux lèvres, mais ses paupières se faisaient de plus en plus lourdes, et elle ne tarda pas à se rendormir.

Il comprenait qu’elle lui en veuille. Après tout, c’était son devoir de la protéger et de protéger son honneur et ce n’était pas normal qu’il cesse de le faire surtout qu’ils étaient mariés maintenant et que ça devenait encore plus important. Elle l’embrassa passionnément et il l’aida à se tenir en posant sa main sous sa tête. Nyme réalisait à quel point elle lui avait manqué.

- Toujours mon cœur…toujours.

Il la laissa retomber sur les oreillers et l’observa un moment alors qu’elle se rendormit. Nyme s’allongea à ses côtés et dormi lui-même quelques heures. Car son sommeil hanté de cauchemar n’avait pas été des plus reposants. Quand il se réveilla, il s’aperçut que sa femme dormait toujours et se glissa donc discrètement hors du lit en faisant bien attention de ne pas la réveiller. Il sorti du manoir pour aller parler à son cocher et le remercier car après tout sans lui ils ne seraient plus en vie. La récompense qu’il lui proposa ? Nyme lui dit simplement qu’il paierait pour les études de ses enfants. Deux vies ça valait bien plus mais c’était un début et ça aiderait ces enfants à faire autre chose que de devenir des domestiques. Bien sur si c’était ce que les enfants voulaient ça ne les en empêcheraient pas mais au moins ils avaient le choix.

Nyme retourna ensuite au manoir, satisfait de son coup. Avant de remonter dans la chambre, il passa par la cuisine pour prendre du pain et des confitures, sachant que ça ferait plaisir à Théodora quand elle se réveillerait.

Theodora était enfin apaisée, et les quelques heures de sommeil gagnés lui avaient permis de reprendre des forces. Tout était rentré dans l'ordre. Nyme allait poursuivre ceux qui avaient mis sa vie, et celle de leur futur bébé, en danger, son mari avait l'air d'avoir oublié ce qui le préoccupait depuis de longues semaines.

Elle ouvrit les yeux lorsqu'elle entendit la vaisselle tinter dans le plateau, et son magnifique sourire retrouva sa place sur son visage, malgré la fatigue qui se lisait encore sur son visage. Elle se redressa et s'adossa dans les oreillers moelleux.

Oh mon ange, c'est trop gentil... Il ne fallait pas... J'ai vraiment de la chance de t'avoir...

A ce qu'elle avait entendu, peu d'hommes, et surtout peu d'hommes d'une condition si élevée, auraient fait ce qu'il avait fait pour elle : la soigner, l'aider à s'habiller, lui ramener son petit déjeuner au lit... Il était tellement différent, et elle savourait sa chance jour après jour de passer sa vie à ses côtés.

- Il faut bien que je prenne soin de toi si je veux t’avoir à mes côtés encore très très longtemps.

Dit-il à s’asseyant à ses côtés dans le lit et en déposant le plateau. Nyme adorait s’occuper d’elle. Ça lui permettait d’oublier tout le reste et d’arrêter de s’en faire pour tant de choses quoique ça ne durait jamais très longtemps.

- Et il faut que tu mange un peu pour reprendre des forces.

Son dernier véritable repas datait tout de même et il avait eu un peu de mal à la faire manger dans les derniers jours. Il approcha donc le plateau pour ne pas qu’elle ait de mal à l’atteindre et s’apprêtait à l’aider quand on frappa à la porte.

- Oui ?

- Désolé de vous déranger…mais je…c’est à propos de William

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Je crains qu’il soit souffrant…

Le cocher n’avait pas l’habitude d’aller au manoir et surtout pas de venir voir son patron pour rien. Ça devait être important alors pour qu’il soit là. Nyme regarda Théodora.

- Je devrais peut-être aller voir…

Il n’avait pas de chance. Théodora était sauvée…et maintenant c’était le petit William qui souffrait. Mais il fallait s’y attendre, tout les deux avaient la santé fragile.

Elle se sentit fondre en entendant ses mots doux, et se pelotonna contre lui comme un chat. Elle jeta un regard envieux sur le plateau richement garni. Elle mourrait de faim.

Oui docteur, je compte bien engloutir la moitié de ce plateau!

Elle attrapa une tartine recouverte de confiture, et mordit dedans avec un soupir de plaisir. Ca faisait tellement de bien de voir la vie reprendre son cours, si tranquille. Eux deux, et bientôt trois. Si sereins. Mais leur moment privilégié ne dura pas longtemps. A peine avaient-ils commencé à déjeuner paisiblement, après des jours de maladie et d'épuisement, qu'une autre mauvaise nouvelle venait de tomber. Le petit William était malade, le pauvre petit grâce à qui Nyme avait été innocenté.

Son regard croisa celui de Nyme, et elle y décela la même inquiétude, la même angoisse. Theodora n'avait survécu que par miracle, mais William, si petit et si fragile, risquait de ne pas avoir autant de chance.

Vas-y... Tu lui dois ta liberté, il a besoin de toi... Plus que moi en tout cas.

D'un signe du menton, elle l'encouragea à filer porter son aide au petit garçon.

William avait passé la journée à jouer dehors dans la neige et était tombé endormi très rapidement sans grande surprise. Mais le lendemain alors que tout le monde s’activait dans la maison, il était toujours au lit. Inquiète de ne pas le voir venir manger, sa nouvelle mère alla le voir. Elle le trouva dans son lit, le teint cireux alors qu’il était réveillé. Elle se pencha à ses côtés en lui demandant pourquoi il n’était pas debout. Elle vit bien les lèvres du gamin s’agiter mais ne pu saisir un mot de ce qu’il lui dit. Il devait avoir attrapé froid à cause de la veille. Elle lui avait bien dit de rentrer se réchauffer après quelques heures mais il n’avait pas voulu l’écouter. L’enfant fut installé confortablement avec des couvertures chaudes et de l’eau à boire. On l’obligea à garder le lit mais de toute façon il ne pouvait pas protester car il n’arrivait pas à parler audiblement. Sa vilaine toux était revenue mais c’était facilement attribuable à une grippe commune pour cette mère de trois autres enfants. Par contre, après quelques jours sans grandes amélioration la situation devenait grave et c’est alors que Nyme alla voir dans quel état était véritablement l’enfant. C’était désastreux…

Nyme avait quitté sa chambre, Théodora avait raison, il devait sa liberté à cet enfant et il avait promis à Nathanael d’en prendre soin. Il se rendit au chevet de l’enfant. Il se hâta d’ordonner que les autres enfants se rendent au manoir en attendant que le mal se dissipe car ça pouvait être contagieux.

- William ? Petit ?

Il voyait bien que l’enfant était conscient et qu’il tentait de parler mais tous ces efforts se soldèrent par une quinte de toux.

- Doucement…

Pas besoin d’être un géni pour comprendre ce qui se passait. C’était encore la faute de ces médecins qui avaient voulu s’enrichir…Nyme tenta tout ce qu’il pu pour l’enfant qui faiblissait encore et encore. Il était brûlant de fièvre et sa température ne semblait pas diminuer, c’était dangereux. Nyme se sentait mal de ne pas être aux côtés de Théodora alors qu’elle se remettait mais il ne pouvait se résoudre à laisser William comme ça. Il passa donc le reste de la journée à ses côtés à faire tout ce qui était en son pouvoir. La nuit venu, il s’installa dans un autre des petits lits de la pièce pour continuer à veiller. Constatant que l’enfant perdait peu à peu contact avec ce qui l’entourait, Nyme passait son temps à lui parler, lui racontant des histoires, tout pour garder contact avec lui. Mais alors qu’il voyait les premiers rayons du soleil percer le ciel, il ne pu que se faire à l’évidence, l’enfant ne réussirait pas à s’en sortir. Il s’assit à ses côtés, tenant sa petite main dans la sienne.

- Ce n’est pas grave…tu es un brave petit bonhomme toi…

Il resta avec lui jusqu’à entendre l’enfant tenter de prendre une bouffée d’air qui semblait si difficile. Nyme laissa la mère le prendre contre elle, elle était mieux placée que lui pour réconforter William. L’enfant laissa échapper un dernier souffle avant que son corps ne s’affaisse. Les larmes suivirent évidemment et Nyme finit par rentrer au manoir. Il s’empressa de remonter dans sa chambre sans rien dire. Avec son travail, il était habitué à la mort…mais il n’avait pas l’habitude de travailler avec des enfants. Toujours silencieusement, il se blottit contre sa femme et pour expliquer tout ce qui c’était produit dans ces dernières heures, il ne dit qu’une chose :

- J’ai échoué….

Theodora avait attendu Nyme toute la journée, demandant de temps à autres des nouvelles à Masson, mais les réponses étaient vagues. Le coeur serré, elle avait regardé défiler les heures. Pauvre petit William, qui n'avait eu que tellement peu de chance dans sa vie jusqu'à présent, à peine quelques mois de répit dans une famille aimante. Elle se rappelait la première fois qu'elle l'avait vu, Nyme venait de se faire emmener par les policiers au beau milieu de la nuit et il était apparu au beau milieu du salon,sans prévenir, alors qu'elle se rongeait les sangs. C'était grâce à lui que son mari avait pu sortir de prison, c'était grâce à lui que toute sa vie avait pu revenir à la normale...

Elle aimait lui rendre visite, ainsi qu'à ses frères et soeurs... La différence d'âge entre eux n'était pas si importante et elle aimait jouer à chat dans le parc avec eux... Pauvre William.

Elle se réveilla en sursaut en entendant la porte de la chambre s'ouvrir pour laisser passer Nyme. A son attitude, à son regard,elle sut que quelque chose n'allait pas. Son coeur se serra à cette nouvelle, et elle sentit sa gorge se nouer alors que Nyme vint la rejoindre. Elle le prit dans ses bras, glissant sa main dans ses cheveux en une caresse rassurante, mais elle ne put pas retenir ses larmes lorsqu'il lui annonça le verdict.

Elle se mit doucement à pleurer, serrant toujours Nyme contre elle avec force.

Tu as fait tout ce que tu as pu... Tu... Ce n'est pas ta faute mon amour... Tu n'y es pour rien...

C’est vrai que ce n’était pas vraiment sa faute…quoique d’un autre côté, s’il avait arrêté les Gallagher, si cette épidémie avait été évitée…William serait encore vivant et il pourrait retourner jouer avec sa famille et profiter de la nouvelle vie qu’on lui avait offerte. Nyme resta contre Théodora sans pleurer pourtant. On lui avait apprit qu’il ne devait pas le faire surtout pas quand un patient mourrait, c’était très peu professionnel. Mais il venait de ressentir quelque chose qu’il craindrait pour le reste de ses jours…l’incapacité de pouvoir agir dans une situation de vie ou de mort. Maintenant, il craignait que ça se reproduise, qu’il voit leur propre enfant un jour dans la même situation, où il ne pourrait rien faire d’autres qu’attendre que ça se termine en se demandant s’il devait ou non abréger ses souffrances…

- Quand même…je leur avait dit de faire attention avec lui…mais je…au moins il a été heureux…je crois…

Nyme ne comprenait pas pourquoi on était pas venu le chercher dès que l’enfant avait commencé être malade car alors peut-être qu’il aurait pu faire quelque chose pour lui. Mais il ne pouvait quand même pas en vouloir aux parents, ils avaient fait ce qu’ils avaient cru bon de faire et n’avaient jamais voulu la mort de l’enfant. Il demanderait à ce qu’on l’enterre dans le boisé, dans le petit cimetière de la famille…Un cercueil pour enfant, y avait-il une chose plus horrible à voir ? Une chance qu’il n’avait pas été particulièrement prêt de William…ça aurait été beaucoup plus terrible pour lui de le voir mourir ainsi.

- On aurait dû s’y attendre, mais j’avais cru qu’il vivrait plus longtemps.

Il avait même prévenu Nathanael la première fois qu’il avait vu l’enfant, il ne pouvait pas garantir combien de temps il vivrait avec autant de charbon dans les poumons.

- Je vous aime…

Dit-il simplement en la serrant contre lui, doucement car il ne voulait pas lui faire mal et que le petit ventre de Théodora commençait à faire une sorte de barrière. Mais il la trouvait absolument radieuse alors qu’elle se rétablissait de sa chute dans l’eau glacée.

Theodora sentait que son mari était affecté par la nouvelle, et elle aussi était parcourue par les mêmes inquiétudes. Leur enfant à naître allait être encore plus petit et plus fragile que William, et si elle le perdait, elle ne savait si elle y survivrait... Heureusement, leur futur héritier vivrait dans un cadre protégé, entouré de soins constants, alors que William avait connu la brutalité de la vie dans la rue.

Je crois qu'ils ont su le rendre heureux... Il rayonnait au milieu de tous les autres enfants...

Sa voix n'était plus qu'un murmure, l'émotion était toujours là.

Si jamais c'est... un garçon, j'aimerai qu'on l'appelle William... Parce que sans lui tu ne me serai jamais revenu...

Elle essuya ses larmes du revers de la main et se blottit contre son mari qui la serrait contre lui. Un tel coup du sort alors que les choses semblaient enfin aller mieux...

(hrp : je ne sais pas trop comment continuer... je crois qu'on a fini^^)