A la poursuite du bonheur

Theodora était impatiente comme une petite fille le soir de Noël. Depuis qu'elle était rentrée de son dîner avec son frère, elle avait réfléchi à savoir par quoi commencer ses leçons pour aider son nouvel ami. Elle en avait parlé à son frère Nathanael qui, s'il s'était montré méfiant au départ, encouragea bientôt sa soeur sur cette voie. Lui aussi appréciait le jeune homme, et lui aussi avait senti une fêlure en lui.Et puis, il connaissait bien sa soeur, qui était sage et réfléchie, parfois même plus que lui, et elle saurait faire les bons choix.

Elle n'avais pas arrêté de fixer l'horloge dans la boutique, mais le temps se traînait désespérément, et elle s'était fait houspiller par sa patronne car elle traînait trop. Enfin l'heure de fermeture du magasin arriva. Enfin elle allait le revoir. Elle avait des papillons dans le ventre à cette idée, et son coeur battait à tout rompre. Elle sortit avec les autres ouvrières, fit quelques pas dans la rue et chercha son élève du regard. La première leçon allait commencer. Pourvu qu'il n'ait pas changé d'avis et décidé que toute cette idée était idiote...

Nyme avait passé la matinée à tourner en rond chez lui et Masson l’avait donc envoyé travaillé. Dans son cabinet il passa quelques patients mais n’eut rien de grave qui se présenta. Il ferma boutique un peu plus tôt qu’à l’habitude pour se préparer et se changer car il n’était pas prêt encore à se faire voir avec Theodora. Car si l’idée de se marier lui revenait il risquait d’avoir de sérieux problèmes si une telle rumeur se mettait à circuler. À pied, il se rendit près de la boutique mais prit soin de ne pas s’installer au même endroit que la veille. Nyme faisait les cent pas à observer la porte de la boutique en se demandant si elle n’avait pas changer d’idée. Donc, quand il la vit sortir, il resta un peu à l’écart mais en remarquant qu’elle semblait le chercher il s’avança sans trop regarder, passant près de se faire heurter par son propre carrosse qui passa parce que Masson avait insisté pour s’assurer qu’il disait la vérité.

- Bonjour

Dit-il simplement avec un sourire quand il se retrouva à côté d’elle.

Son coeur rata un battement lorsqu'elle l'entendit parler, tout près d'elle. Elle se retourna et l'accueillit comme d'habitude avec son merveilleux sourire.

" Bonjour! J'avais peur que vous ne veniez pas... Alors j'ai prévu de vous emmener voir une pièce de théâtre. Des collègues à moi l'ont vue récemment et m'ont dit que c'était très drôle. J'espère que ça vous plaira! Par contre, ce n'est pas un des théâtres dont vous avez l'habitude, avec des ors et des sculptures ... c'est un théâtre populaire où je vous emmène. De plus, vous ne risquez pas de croiser une de vos connaissances mondaines. Vous venez?"

Ses longues boucles brunes dansent dans son dos au rythme de sa marche, alors qu'elle se tient à ses côtés, le guidant aux détours des ruelles.

Le théâtre ? C’était une idée, ça faisait un moment qu’il n’y était pas aller. C’est vrai que ça pourrait peut-être lui changer les idées et lui permettre de passer du bon temps. Nyme la suivit de prêt pour ne pas risquer de se perdre car ils semblaient s’aventurer dans des rues qu’il n’avait pas l’habitude de voir et qu’il se voyait très mal perdu au beau milieu de Londres.

- Vous savez, grâce à vous j’ai dit à Masson hier soir que je ne me marierais pas.

Il ne pensait pas au fait qu’elle ne connaissait pas le nom de son majordome, mais de toute façon le lien pouvait être facile à faire quoique l’autorité que le domestique semblait étrangement avoir sur son maître était quelque peu déconcertante.

- Il ne me croyait pas et il prétendait que vous me mettiez des idées stupides en tête mais je ne l’ai pas écouté.

Évidemment, sinon il ne serait pas en train de marcher vers le théâtre avec Theodora.

Elle lui sourit avec gentillesse.

" Je ne veux pas vous mettre d'idées en tête... je veux juste que vous puissiez penser par vous-même."

Elle le guida ensuite jusqu'à un petit théâtre qui ne payait pas de mines. Elle le laissa règler les billets, qui ne coutaient que quelques pences, avant d'entrer dans la salle de spectacle et de s'installer dans deux fauteuils.

La pièce commença quelques minutes plus tard, et fut un très agréable spectacle. Les acteurs étaient bons, et semblaient prendre du plaisir à jouer, et le public se montrait très réceptif, réagissant bruyamment aux différents évènements de l'intrigue. Tout était tellement loin des représentations guindées des plus grands théâtres.
A la fin, après de longs applaudissements, elle le guida jusqu'à la sortie. Une fois dans la rue, elle s'essuya le coin des yeux de son petit mouchoir brodé, encore secouée de légers rires, puis se tourna vers Nyme.

" Quelle belle soirée! J'ai vraiment beaucoup ri. Et vous, cela vous a plu?"

A plusieurs reprises, elle avait tenté de distinguer les impressions de Nyme sur son visage pendant la pièce, mais la pénombre l'en avait empêchée.

Il ne savait pas trop à quoi s’attendre de ce genre de spectacle puisqu’il n’en avait même jamais entendu parler. Finalement, le spectacle l’amusa, quoique parfois il se sentait mal à l’aise d’entendre tout ces gens autour de lui car normalement au théâtre c’était plutôt tranquille et il ne savait quoi en penser. En sortant du théâtre avec elle, Nyme l’observa un instant. Il devait bien l’avouer, elle était radieuse, il se demanda d’ailleurs pourquoi il ne l’avait pas remarqué plus tôt. Theodora le ramena à l’ordre en lui demandant si ça lavait plus et il secoua la tête un peu.

- Oui oui…c’était excellent. Il faut dire que je ne m’attendais pas à ce genre de chose.

Nyme eu un petit rire pour la première fois de la soirée.

- Mais c’était très divertissant et les gens ont eu l’air d’apprécier aussi.

Pourquoi en venait-il encore à l’opinion des autres ? C’était simplement un réflexe qu’il avait développé à force de se faire dire que l’honneur et l’image c’était ce qu’il y avait de plus important, et donc la vision de soi-même que l’on projetait aux autres se devait d’être impécable.

Son sourire s'agrandit encore en l'entendant dire qu'il avait apprécié. Et surtout, de l'avoir entendu rire. Les ombres qui planaient habituellement sur son visage s'étaient envolées, l'espace de quelques secondes. Il était alors si beau, si lumineux...

" Je suis heureuse que ça vous ait plu, et je suis encore plus heureuse de vous entendre rire! Ma première leçon semble avoir porté ses fruits.
Essayez de trouver de petites choses qui vous changeront du quotidien. D'ailleurs, sourire vous va bien... vous devriez essayer ça plus souvent... "

Est-ce qu’elle venait de lui faire un compliment ? Nyme resta étonné. Qu’est-ce qu’il était sensé répondre, après tout, ça n’avait rien d’officiel…ce n’était pas pour distraire la galerie…Elle venait vraiment de le déstabiliser.

- Je…merci….Je…

*Dit quelque chose…Ressaisi toi un peu !*

- C’est que j’ai rarement des raisons de sourire entre les malades et la maison…mais avec vous je ne peux m’en empêcher.

Peut-être parce qu’il ne ressentait pas le besoin de devoir jouer un personnage avec elle, qu’il se sentait libre de dire ce qu’il pensait sans craindre d’être sévèrement jugé sur un mot ou sur un autre.

Elle éclata d'un petit rire cristallin, flattée du compliment, et aussi de le voir ainsi s'ouvrir au monde.

" Vous voyez, il suffit de pas grand chose pour égayer une journée!"

Puis, emportée dans son élan et son enthousiasme, elle glissa son bras sous celui de Nyme, avant de lancer joyeusement.

" Alors, que voulez-vous faire maintenant?"

Mais la seconde d'après, elle se rendit compte de son geste, et retira précipitamment son bras, s'éloignant un peu de Nyme. Elle commença à bégayer, rouge de confusion.

" Je... excusez-moi je... je ne sais pas ce qui m'a pris... je ne voulais pas... Je comprendrai que vous voudriez rentrer, il se fait tard... Je vais vous laisser..."

Elle commença à reculer quelque peu, et à s'éloigner de quelques pas. Pourquoi s'était-elle permis cette familiarité? Pourtant, tout ceci lui avait semblé tellement... naturel... evident... Mais il fallait qu'elle reste à sa place, celle d'une petite couturière.

Nyme n’eut même pas le temps de réagir lorsqu’elle glissa son bras sous le sien que déjà elle s’éloigna en s’excusant. Il n’aimait pas la voir ainsi, après tout, elle n’avait rien fait de grave, à quoi bon en faire un drame ? Il s’approcha un peu, ne voulant pas qu’elle parte ainsi tout bonnement, ce n’était pas une façon de terminer une soirée surtout qu’elle semblait particulièrement confuse de son geste.

- Ne vous en faites pas, ce n’est rien…ne partez pas tout de suite…ou du moins laissez moi vous raccompagner jusque chez vous.

Après tout, avec tous ces meurtres en ville c’était peu recommandable pour tout le monde de se promener seul tard la nuit. Quoiqu’on n’avait pas toujours la chance d’avoir quelqu’un avec soit.

- Calmez-vous, je vous assure que ce n’est qu’un geste sans importance. Venez.

Il se rapprocha d’elle, lui tendant son bras. N’importe qui de la haut société aurait rougit de honte en voyant Nyme agir ainsi mais après tout, il n’y avait personne autour de ce milieu.

Elle se rapprocha alors à petits pas, et glissa à nouveau son bras sous celui de son cavalier. Elle si calme d'habitude, était toute chamboulée depuis qu'elle avait rencontré ce mystérieux jeune homme. Elle sentait que quelque chose venait de naître en elle depuis quelques jours, des sentiments qu'elle n'avais jamais connus... Mais elle essayait aussi de se raisonner, de se persuader que tout ceci allait trop vite, qu'elle s'enflammait sans doute pour rien, et que ce jeune homme ne voyait en elle qu'une agréable source de distraction.

" Si vous voulez... j'accepte volontiers."

Elle se laissa donc guider jusqu'à l'immeuble qu'occupait sa patronne, silencieuse car perdue dans ses pensées. Sur le pas de la porte, elle avait néanmoins retrouvé un timide sourire.

" Merci de m'avoir raccompagnée... Par contre je... je ne sais pas si c'est une bonne idée que nous continuions à nous voir... Je..."

Elle avait du mal à parler, sa gorge nouée et les yeux baissés.

Nyme la ramena donc en sécurité jusqu’à chez elle comme toute les convenances l’exigeaient. Il trouva le silence un peu lourd à supporter mais voyait bien que Theodora était songeuse et préférait donc la laisser à ses réflexions. Il la laissa sur le pas de sa porte et elle se retourna vers lui avec un petit sourire. Mais de ce qu’elle lui dit, il ne comprit rien.

- Pourquoi ? Je…j’ai mal agi ? Je m’en excuse alors ce n’était pas mon intention…je suis si maladroit…Je vous assure que peu importe ce que j’ai pu faire ou dire ça ne se reproduira pas. Theodora je vous en prie. Ne m’abandonnez pas alors que je commence enfin à voir quelque chose de lumineux dans la vie…

Il se laissait un peu emporté. Il s’était senti bien ce soir là, à ne pas se soucier de tout et de rien et voilà qu’elle voulait que cette soirée soit la seule chose qu’il pourrait se remémorer pour tenter d’être heureux ?

- Expliquez-vous au moins, que je comprenne mon erreur…

Son coeur s'était remis à battre la chamade, et il lui fallut quelques secondes avant d'arriver à s'expliquer, le souffle court et une boule dans le ventre.

" Je... c'est que je crains de commencer à m'attacher à vous d'une façon que je ne devrais pas... de trop m'attacher à vous... "

Elle gardait les yeux baissés, honteuse et bouleversée, n'osant pas regarder son cavalier dans les yeux, de peur de ne pas arriver à tenir ses résolutions.

- Et qui a-t-il de mal ? À quoi bon vous laissez souffrir…

Nyme ne comprenait pas totalement ce qu’elle disait mais voyait bien que c’était illogique, elle s’attachait à lui mais ne voulait plus le voir.

- Je ne veux pas vous apporter le moindre chagrin…vous m’aidez tellement que je ne saurais le supporter.

Il aurait voulu prendre ses mains, pouvoir la regarder dans les yeux mais elle semblait si chamboulée qu’il était lui-même complètement déstabilisé et n’osait pas.

- Je ne me soucis pas de ce que vous êtes, j’ai passé trop de temps à croire que l’essentiel d’un individus se trouvait dans son nom et c’est uniquement quand j’ai cessé de croire à de telles absurdités que j’ai pu rencontrer des gens merveilleux tel que vous.

Elle tenta alors d'être plus claire... Il le fallait. Elle inspira profondément, avant de se lancer.

" Je crois que je commence à être amoureuse de vous... mais je sais bien que jamais vous ne pourriez aimer une fille comme moi... Je... ne me faites pas souffrir, je vous prie..."

Elle osa enfin poser à nouveau ses yeux noisette sur son cavalier, des larmes commençant à rouler le long de ses joues roses, et un timide sourire sur ses lèvres, montrant à quel point elle se sentait idiote d'avoir pu penser cela...

Nyme figea. Elle l’aimait ? Effectivement, il n’avait pas très bien compris. Et il se sentait bien coincé, comment était-il sensé réagir ? Oui, il se sentait bien avec elle mais l’amour…ça faisait longtemps qu’il avait abandonné cette idée. Mais c’était la première fois qu’il s’y retrouvait confronté. Il vit les larmes couler sur les joues de Theodora et senti son cœur se serrer, il en était responsable…

- Je viens de vous dire que je ne me soucie pas de ce que vous êtes.

Il prit le risque de s’approcher.

- Je vous connais depuis à peine quelques jours et jusqu’à hier encore j’ignorais votre nom…mais je suis déjà persuadé que vous êtes différentes de toutes les autres. Je ne veux pas vous faire souffrir…seulement voir ses larmes sur vos joues me semble si pénible…

Nyme prit ses mains dans les siennes.

- Je n’ai pas le droit d’aimer, mais si j’avais fait ce que les convenances me dictaient je ne serais pas venu ce soir. Il n’en tien qu’à vous, si vous décidez que vous ne voulez plus me voir je respecterais ce choix et je partirais, je ne vous importunerais plus…mais sinon je vous promets de vous prouver que vous valez bien plus que toutes ces femmes que vous voyez défiler à la boutique.

Elle hocha la tête, et ses larmes redoublèrent en même temps que son sourire revenait sur son visage. Elle pressa doucement les mains de Nyme contre les siennes. Il ne l'avait pas rejetée non... au contraire... il lui avait dit les plus belles choses qu'elle avait jamais entendues.

" Alors... prochaine leçon dans deux jours, même endroit même heure... et cette fois-ci, sans trop de larmes je vous promets!"

Elle serra ses mains un peu plus fort, le regardant dans les yeux, puis se recula avant de tourner les talons et disparut à l'intérieur du bâtiment après un dernier regard. La soirée avait été riche en émotions.

Ces deux jours furent longs aussi pour elle, mais elle avait du travail, et avait aussi promis à son frère de dîner avec lui. Cela lui fit du bien de pouvoir un peu discuter avec lui, même si elle ne lui raconta pas tout ce qui s'était passé. Cependant, ses pensées allaient toujours vers Nyme, et elle essayait de trouver une idée originale pour lui remettre du baume au coeur.

Le jour J, il la retrouva donc devant son travail, fraîche et enjouée comme à son habitude, comme si ce qu'elle lui avait dit avait été oublié.

[i " Aujourd'hui, j'aimerai vous emmener au zoo! Qu'en dites-vous?"[/i]

Nyme n’avait pas prit la peine de se changer cette fois, il ramena Eleanore chez elle en portant ses paquets puis parti directement vers la boutique. De toute façon, il ne voulait pas se cacher, il ne voulait pas que Theodora s’imagine qu’il avait honte de se promener avec elle et ne voulait surtout pas arriver en retard. Quand il arriva, elle lui proposa tout de suite d’aller au zoo.

- Biensur ! La dernière fois que j’y suis allé je n’étais pas plus haut que trois pommes.

Il semblait enjoué, il se sentait mieux il fallait le dire. C’était comme si tout un poids venait d’être enlevé de ses épaules. Il était là pour s’amuser en bonne compagnie alors le reste lui importait peu. Nyme n’osa pas parler de ce qui c’était passé…elle semblait être comme avant, rien n’avait changé et c’était tant mieux comme ça. Par contre, il craignait un peu qu’elle ait changé d’idée…que pendant les jours il ait eu des espoirs pour rien…mais ça seul le temps finirait par le lui réveler.

Elle hésita une seconde, avant de glisser son bras sous celui de Nyme, un peu surprise tout de même de le voir vêtu de ses habits aristocratiques. Elle se sentait bien pâle à côté, dans sa robe bleue toute simple. Mais qu'importe. Elle était heureuse de le revoir, et elle constata avec plaisir que ce sentiment était partagé.

Elle le guida jusqu'au zoo, et ils admirèrent les différents animaux. Elle essayait de le faire rire en lui montrant des animaux étranges, ou en commentant leurs mimiques. Puis, alors qu'ils s'approchèrent d'un stand de friandises, elle le tira par la manche.

" Regardez, des pommes d'amour! Ca fait si longtemps que je n'en ai pas mangé! Vous en voulez une?"

Il ne s’était quand même pas habillé pour se rendre à un bal mais c’est vrai qu’il contrastait un peu dans la foule avec son grand manteau noir soigné et son haut-de-forme. Ce n’était pas pour se faire voir mais bien parce que c’était ainsi qu’il se sentait à l’aise. Nyme pu sentir quelques regards interrogateurs alors qu’il se rendait au zoo avec Theodora mais n’y porta pas intention. Il avait bien le droit de marcher avec qui il voulait. Le zoo lui rappela de nombreux souvenirs, de bons pour une fois. Surtout qu’il venait de se trouver avec Eleanore et que c’était avec elle qu’il était déjà venu étant petit. Il s’amusa bien avec Theodora, elle réussi même à le faire rire quelques fois quoiqu’il finisse toujours par se sentir mal à l’aise et s’arrêtait en baissant les yeux. Tout d’un coup, elle tira sa manche et il se retourna.

- Des pommes d’amour ? C’est bien la première fois que j’en entend parler…mais je veux bien gouter.

Il en acheta donc deux, une pour Theodora et une pour lui. En faite, il ne la laissait rien payer quand il était avec, se disant que c’était bien la moindre des choses qu’il pouvait faire et que ça ne changeait pas grand-chose pour lui de toute façon.

Elle le vit goûter, puis apprécier, les pommes d'amour qu'elle venait de prendre. Puis elle rit en voyant le contour de sa bouche barbouillé de sucre rouge. Elle s'approcha de lui, se hissant sur le pointe des pieds pour tenter de le nettoyer un peu.

" Ne bougez pas... vous avez du rouge partout!"

Elle s'appliquait à ôter les dernières traces de sucre, les sourcils légèrement froncés, concentrée sur ce qu'elle faisait.

Là, il avait réellement l’impression d’être avec sa nounou ce qui le fit sourire. La scène devait être réellement cocasse à voir. Nyme se baissa un peu en espérant qu’elle termine un peu plus rapidement, car après tout il aurait très bien été capable de faire ça tout seul. Mais d’un autre côté il trouvait ce geste adorable et très attentionné de sa part.

- Vous ne m’aviez pas prévenu que c’était salissant. Au moins je peux maintenant dire que vous semblez vous appliquer sur tout ce que vous faites.

Au moment où il se redressa, reprenant le bras de Theodora, un écho malheureusement trop familier lui parvint aux oreilles.

- Tien tien tien, mais qu’avons-nous donc là ? J’ignorais que tu donnais dans le bas étage Joshua.

- Que viens-tu faire ici ?

- Une promenade. J’espère qu’elle ne te coûte pas trop cher car elle est ma foi plutôt acceptable et il ne faudrait pas te ruiner.

- Va-t-en.

- Et quand comptes-tu nous présenter cette…charmante chose.

Nyme était sur le point d’éclater, celui-là était vraiment insupportable mais au moins, contrairement à ce que la plupart feraient, il osait leur dire tout ça au visage

Théodora ne sembla pas remarquer la première apostrophe de l'inconnu. Après tout, elle ne connaissait que Nyme, pas de Joshua... Mais quand elle entendit son cavalier lui répondre, elle comprit qu'elle était directement visée. D'habitude, elle vivait dans son monde, avec des gens de sa classe, et c'était très bien comme ça. Mais se voir ainsi rabaissée, elle sentit son coeur se serrer douloureusement. Cet idiot la prenait pour une simple...

Ce qui la fit d'autant plus souffrir, c'est que Nyme ne semblait pas la défendre, il se contentait de répondre froidement à son agresseur. Elle s'écarta de lui, et commença à faire demi-tour pour cacher ses larmes.