A la poursuite du bonheur

Nyme ne voulait pas se mettre à discuter avec cet homme, il savait que c’était parfaitement inutile et que ça ne ferait que leur attirer des problèmes. Surtout qu’il n’était pas du genre très violent et donc que se battre ne faisait pas parti de sa façon de régler des problèmes, mais en plus il pouvait être très maladroit avec les mots alors finirait sûrement perdant lors d’une argumentation.

- La présenter à quelqu’un comme toi ? Et puis ce….ce n’est pas une chose tu sauras !

- Mon pauvre Joshua, tu ne fais que t’enfoncer lamentablement.

Il senti son cœur se serrer en la voyant s’éloigner…elle devait lui en vouloir affreusement…Il se tourna de nouveau vers l’homme

- Je n’ai peut-être pas les bons mots mais au moins j’ai suffisamment d’esprit pour discerner le vrai du faux dans tout ce qu’on a pu m’apprendre! Je t’interdis d’insinuer le moindre mal d’elle ! Je ne supporte pas les menteurs et tu en serais tout un à parler ainsi.

- Nous savons tous ce qu’elle est, alors arrête de tenter de te rattacher au peu d’honneur qu’il te reste.

- Ce n’est pas moi que je défends ! Elle est la plus brave fille qu’il m’ait été donné de rencontrer et c’est une erreur terrible et un mensonge indicible que tu répands sur elle.

Une petite foule de curieux commença à se former autour des deux hommes, car ça arrivait rarement ce genre de confrontation en publique.

- Tu étais assez étrange comme ça, encore faut-il que tu te promène au grand jour avec une prostituée à ton bras !

- Ce n’est pas une prostituée ! De toute façon, quel mal cela peut-il te faire que je préfère sa compagnie à celle d’épouvantails dans ton genre. Laisse-moi donc vivre comme je l’entends et va faire siffler ta langue de vipère ailleurs !

- Tu es tombé bien bas mon pauvre.

- Là-dessus tu te trompes parce que j’ai pu trouver enfin une personne qui est encore plus belle dans son cœur qu’elle ne le laisse paraître. Ce que toi, évidemment, tu ne trouveras jamais parce que, tout simplement, ça ne se fait pas. Et bien, laisse moi te dire qu’il y a bien d’autres choses qui ne se font pas et manquer de respect à une femme qui a bien plus de noblesse que tu ne pourras jamais en avoir en fait parti. Alors, je te conseil de t’excuser.

- M’excuser ? Et puis quoi encore.

Cette fois, Nyme le frappa, un coup de poing en plein visage qui était parti tout seul. La méthode ne fut pas très efficace mais la petite foule qui s’était formée autour se mit à s’agiter, c’était quand même plutôt rare qu’un riche prenne la défense du peuple aussi ouvertement.

Mais Nyme sentait ensuite qu'on le tirait par la manche, pour le retenir de donner d'autres coups.

[/i] " Arrêtez! Arrêtez je vous en prie! Il a eu ce qu'il mérite, maintenant allons-nous en... "

Elle passa son bras sous celui de Nyme et l'attira rapidement loin de la foule, sous les regards intrigués des passants. Ils s'arrêtèrent dans une sorte de gloriette tapissée de roses, où ils pouvaient être à l'abri des regards. Il put facilement remarquer qu'elle était bouleversée, et des larmes perlaient au coin de ses yeux.

" J'ai voulu partir ... mais pas avant de vous avoir laissé une chance... Je... j'ai tout entendu... c'est... personne n'avait jamais parlé de moi ainsi... je... Merci "[i]

Elle éclata ensuite en sanglots, venant se jeter dans les bras de Nyme, sa tête posée contre son torse. Elle sentait bon le savon et l'eau de rose, petite chose fragile contre lui.

Nyme aurait sans doute continué encore un moment avant de pouvoir prouver son point, ou tout simplement jusqu’à ce qu’il ne soit plus en mesure de continuer. Mais il sentit que quelqu’un attrapa sa manche pour le tirer dans la foule. Il fut content de voir qu’elle n’était pas partie et il se retrouva avec Theodora bien à l’abri des regards. Il la serra dans ces bras, ne sachant trop que faire en la voyant réagir ainsi.

- Je suis navré de ce qui vient de se passer…j’aurais voulu pouvoir vous éviter cela mais…c’est évident que ça devait se produire. Sachez par contre que je suis sincèrement désolé…

Il se sentait tellement mal à la voir pleurer ainsi. Nyme avait peur de la serrer trop fort…elle était si délicate, il se demandait bien comment elle avait pu vivre dans des conditions sans doute très différente que celles que lui avait connues tout en restant aussi douce. Tout chez elle lui de…comment aurait-il pu le dire…de l’affection ? En faite, il aurait voulu ne jamais la voir triste, il voulait retrouver son sourire et l’émerveillement dans les yeux de Theodora. À vrai dire, il semblait souvent bien glacial et morne à côté d’elle.

- Theodora…tout ce que j’ai dit, c’est ce que je pense, ce que je ressent pour vous…mais je ne suis pas particulièrement doué avec les mots…

Théodora resta contre lui quelques minutes, et savoura ces instants, protégée, à l'abri du monde. Elle sentait la douceur du tissu de la chemise de Nyme, et l'élégant parfum qu'il portait.
Puis elle leva ses yeux noisette vers lui, encore humides de larmes, et posa délicatement son index sur les lèvres de Nyme.

"Je ne pleure pas à cause de ce que cet idiot a dit même si ça m'a fait très mal. Mais c'est pour toutes les belles choses que vous avez dites sur moi... Je ne pensais pas représenter autant pour vous... je veux dire ... que ce que j'éprouvais pouvait être réciproque...

Ses lèvres s'étirèrent en un petit sourire timide, avant qu'elle baisse à nouveau les yeux, gênée.

Elle le fit taire. C’est vrai que quand il s’emportait un peu et qu’il ne savait plus quoi faire il se mettait à parler et se répétait beaucoup mais elle semblait avoir trouvé un moyen efficace de l’arrêter.

- Si vous ne représenteriez pas autant pour moi pourquoi aurais-je eu si mal à voir ses larmes couler ?

Nyme déposa doucement sa main sur la joue de Theodora. Il tentait d’être le plus délicat possible parce que c’était ainsi qu’elle était avec lui. Il lui remonta un peu le visage pour pouvoir la regarder dans les yeux.

- Vous ne m’avez pas appris à être heureux, vous m’avez appris que l’amour c’est autre chose que ce qu’on retrouve dans les livres.

Elle avait raison, il croyait que c’était bien ce qu’il ressentait pour elle et n’hésitait donc pas à l’affirmer.

Théodora n'en croyait pas ses oreilles... rien que des mots pourtant, mais qui signifiaient tant! C'était beau, c'était magnifique, et surtout, ils lui étaient destinés à elle. L'espace d'un instant elle oublia tout, l'altercation de Nyme avec cet idiot arrogant dans le parc et tout ce qu'il avait pu sous entendre, tous les problèmes qui risquaient de se poser pour le futur... Il l'aimait, c'était tout simple, et si magique à la fois.

Son coeur se mit à battre de plus en plus rapidement, ses jambes la portaient à peine alors qu'elle levait ses yeux brillants de joie et...d'amour, parce que ça l'était, vers le mystérieux inconnu qui avait changé sa vie en si peu de jours. Toutes les craintes, toutes les questions qu'elle n'arrêtait pas de se poser, avaient été balayées par cet instant. Et puis cinq mots à peine murmurés

" Moi aussi je vous aime..."

Il put la sentir encore plus proche de lui, en équilibre sur le pointe des pieds, ses mains s'agrippant à sa chemise pour ne pas vaciller. Et puis ses lèvres, douces et chaudes contre celles de Nyme, dans une étreinte qui fut d'abord timide, un peu malhabile, mais qui au fil des secondes devenait plus hardie et passionnée. Elle avait l'impression que son coeur allait sortir de sa poitrine.

L'instant était magique : il faisait beau et doux, une fontaine non loin faisait entendre son doux clapotis, et l'air était baigné du parfum des roses. L'endroit idéal pour un premier baiser...

Il l’enlaçait tendrement, sentant que leur baiser devenait de plus en plus fougueux. Mais évidemment qu’il n’irait pas plus loin, il était raisonnable et bien élevé alors au bout de quelques secondes, il abandonna ses lèvres. Nyme resta par contre à la garder contre lui, la regardant avec un sourire. Au fond de ses yeux bleu d’habitude si froid quelque chose semblait avoir changé. Il pouvait dire qu’à ce moment précis, il se sentait bien. Mais, fidel à lui-même, il redescendit rapidement sur Terre.

- Theodora…vous devez savoir que…ce qui vient de se passer dans le parc n’est rien comparé à ce qui risque de se produire…

Elle devait bien s’en douter mais il voulait s’assurer qu’elle sache dans quoi elle s’embarquait. Nyme avait l’habitude de toutes ces méchancetés donc savait que ça ne l’affecterait pas trop mais elle…

Elle se détacha de ses lèvres et revint à la réalité comme on se réveille d'un rêve. Elle avait l'impression que cet instant avait duré un siècle, et en même temps une seconde... Elle se blottit tendrement contre lui, où elle était tellement bien. Dommage que les paroles de Nyme firent surgir des nuages dans le ciel jusqu'à présent limpide.

" Je sais... Mais, comme vous me l'avez dit... vos parents ne peuvent pas vous interdir de nous voir... et mon frère ne le fera pas non plus s'il voit que vous me rendez heureuse et si vos intentions sont pures... Dans mon monde, les gens seraient contents pour moi, que j'aie une chance d'avoir un avenir meilleur... Et pour le vôtre... nous sommes arrivés à plutôt bien les éviter jusqu'à aujourd'hui. Et puis personne ne nous oblige à les fréquenter, ce que vous ne faites déjà pas de toute façon... Qu'en pensez vous?"

Ce baiser, cette foule de sentiments tout neufs lui avaient donné la force de soulever des montagnes, de résister à des ouragans, pour peu qu'il soit toujours à ses côtés pour l'aimer.

- Vous avez raison…mais…juste au cas…je tiens à vous assurer que jamais personne ne pourrait me dire quelque chose qui changerait ce que je ressens pour vous.

C’est vrai que son frère l’avait inquiété un peu…mais d’un autre côté Theodora avait quand même un certain avantage avec Nyme surtout qu’il semblait la traiter comme une femme honorable et qu’il n’avait pas l’intention de lui sauter dessus.

- J’espère que jamais personne n’osera vous causer le moindre tort. Je sais bien que je ne peux pas vous protéger du moindre danger mais je peux m’assurer de vous offrir une vie où le bonheur ne pourra être que votre seul soucis. C’est ce que mon cœur me dicte, vous me rendez si heureux que je ne peux que vouloir vous rendre la pareille alors si jamais il y a la moindre chose qui pourrait vous apporter de la joie, dites-le.

Nyme passa une main dans ses cheveux si soyeux, il ne pouvait qu’admettre qu’elle était bien plus jolie que beaucoup d’autres femmes qu’il avait pu voir.

Elle rit doucement en se détachant de lui, un rire joyeux et cristallin. Encore de beaux mots! Et lui qui disait qu'il ne savait pas les manier, il se trompait, et pas qu'un peu! Elle n'avait jamais été aussi heureuse... tout était juste... parfait, oui, c'était le mot.

Elle lui prit alors les mains, et levant un regard espiègle vers lui, lui demanda :

" Samedi soir, venez en tenue plus ... discrète et emmenez-moi danser! Mon frère m'y emmène de temps en temps mais c'est avec vous que j'ai envie d'y aller... Je suis sure que ça va vous plaire... Vous savez danser au moins?"

L'emmener danser... rien de plus. Pas de diamants, pas de fiacres, pas de chevaux hors de prix. Non, juste du temps à lui consacrer, c'est tout, rien qu'elle et lui.

Elle entendit au loin la cloche qu'agitait le gardien, annonçant la fermeture imminente du zoo.

" Ca va bientôt fermer, allons-y!"

Elle glissa son bras sous celui de Nyme, et commença à marcher vers la sortie, sa tête délicatement appuyée sur son épaule.

Une tenue plus discrète…il faudrait qu’il s’en trouve d’autres alors parce qu’il n’avait que son costume habituel. Il n’aurait qu’à demander à Masson de s’en occuper, ça ne serait pas un problème. Au moins, ça serait amusant de passer incognito.

- Biensur que je sais danser. Quoiqu’avec les années…je dois être un peu rouillé

Après tout il avait été dans plusieurs bals quand son père étant encore vivant et l’obligeait à y assister. Nyme n’était peut-être pas le meilleur des danseurs mais il savait qu’il saurait se débrouiller et qu’il finirait par trouver cette activité, si ennuyante normalement pour lui, un peu amusante avec Theodora. Ils sortirent du zoo. En les voyant se tenir ainsi et ce malgré l’étrangeté que cela pouvait présenter à l’époque, il était très difficile de ne pas voir qu’on avait à faire là à deux jeunes gens en pleine idylle amoureuse.

- Vous verrez, personne ne pourra dire que nous ne sommes pas du même univers. Je vais essayer de faire attention à ce que je dis.

Dit-il avec un sourire en marchant simplement dans les rues pour la ramener chez elle maintenant qu’il savait où est-ce que c’était.

- Je serais venu différemment aujourd’hui mais je ne voulais pas arriver en retard et j’étais déjà en ville.

Elle marchait lentement à ses côtés, flottant sur un petit nuage. En entendant les derniers mots de Nyme, elle rit doucement et releva la tête pour le regarder.

Si vous étiez venu en tenue plus discrète, l'autre idiot ne vous aurai sans doute pas reconnu, et je n'aurai pas entendu toutes les belles choses que vous avez dites sur moi... et nous ne nous serions pas embrassés. Au final ce n'était pas une si mauvaise chose... vous ne trouvez pas?

Au fil de leur discussion, ils arrivèrent devant la porte d'entrée de l'atelier. Elle aurait aimé que cette journée ne s'achève jamais, et elle avait surtout très peur que, demain matin, Nyme se réveille et se rende compte que tout ceci avait été totalement idiot, et que tout s'arrête alors...

Venez me retrouver ici à vingt heures samedi... Le temps va me paraître long sans vous...

Elle avait bien raison, il avait bien fait de venir ainsi. Quoiqu’il serait sans doute préférable d’être plus prudent la prochaine fois. Il la ramena jusqu’à chez elle et la regarda un instant alors qu’elle lui rappelait quand il devrait venir la chercher.

- Je vais compter chaque minute qui nous sépare.

Nyme serra doucement ses mains et l’embrassa tendrement avant de s’éloigner avant de craindre de ne pas y arriver. Il marcha, le cœur léger, jusqu’à son carrosse et en retournant chez lui, il raconta tout ce qui venait de se passer à Masson. Le majordome fut évidemment un peu inquiet dès le début mais en voyant que Nyme semblait beaucoup plus heureux qu’il ne l’avait jamais été il ne fit que pousser un soupire en haussant les épaules. Peut-être qu’en faite tout le monde avait tort, que c’était la meilleure chose qui pouvait arriver à son jeune maître et à cette fille, qui était-il pour le savoir de toute façon ?