Une petite visite

Nathanael se présenta de bon matin à la porte du manoir. Depuis plusieurs jours, il avait tenté de trouver une solution pour aider ce petit garçon vagabond. Mais il venait de payer son inscription à l'université de droit, et le peu qu'il lui restait lui suffirait à peine pour finir le mois. Il avait déjà sacrifié le superflu en le logeant pour quelques jours chez la gentille Mrs Jenkins. De plus, l'état de son protégé s'était aggravé... Il n'avait plus le choix.

Et puis, il avait aussi deux mots à lui dire au sujet de sa soeur...

Une fois introduit dans le salon par le majordome, il attendit patiemment l'arrivée de Nyme. Quand ce dernier se présenta, Nathanael s'avança vers lui et lui donna une accolade virile.

Je suis content pour vous! Vraiment! Je vous souhaite tout le bonheur du monde!

Puis son sourire disparut de son visage et il fixa Nyme dans les yeux, voulant tout sauf plaisanter.

Mais si vous la faites souffrir, si vous l'abandonnez où pire... je saurai où vous trouver, je vous préviens...

Puis son avertissement donné, il se redressa, l'air de rien, et reprit son visage avenant comme à l'accoutumée.

Vous êtes sûr que je ne vous dérange pas au moins?

Nyme mettait de l’ordre dans un tas de paperasse quand Masson vint le déranger en l »informant de la visite de Nathanael. Il ne s’attendait pas du tout à ça et se demandait bien ce qu’il pouvait bien lui vouloir. Il ne le fit pas attendre trop longtemps et arriva dans le petit salon où Masson l’avait laissé.

- Bonjour ! Quelle surprise, j’espère que vous vous portez bien !

Il le félicita avant de lui donner un avertissement mais Nyme n’en fit pas de cas, c’était normal qu’il s’inquiète pour sa sœur et qu’il veuille être certain que Nyme ne ferait pas de bêtises, mais il n’en avait aucune intention.

- Oh non, je n’aime pas beaucoup les visites mais comme c’est vous ça ne dérange pas. Que voulez-vous ?

Était-il venu uniquement pour l’avertir de ce qui pourrait l’attendre, Nyme en doutait un peu, il devait y avoir autre chose.

Nathanael hésita une seconde avant de se lancer, s'asseyant sur l'accoudoir du canapé.

Je... voilà. D'abord, je ne veux pas que vous ayez l'impression d'avoir en face de vous un mendiant qui demande la charité. Il y a quelques jours, je suis tombé sur un petit garçon orphelin. Il était maigre comme un épouvantail, et il avait l'air mal en point... alors je l'ai mis en pension quelques jours chez une vieille dame de ma connaissance. Seulement, son état s'est aggravé et il aurait grand besoin de voir un médecin. Croyez-vous pouvoir l'ausculter?

De plus... je viens de m'inscrire à la faculté de droit, et le peu de moyens qu'il me restait, je les ai consacrés à sa pension de ces derniers jours. Je suis désemparé, car je ne veux pas le remettre à la rue, mais je n'ai pas décemment les moyens de le prendre en charge. Alors je me suis demandé si vous ne pourriez pas prendre le rôle de son ange gardien... enfin, ce n'est qu'une suggestion...

Puis Nathanael attendit avec impatience et anxiété la réponse de Nyme. Rien ne l'y obligeait, c'était certain, mais il pensait que, au vu de sa demeure, il ne devait pas être dans le besoin, et le fait qu'il soit un médecin en exercice confirmait le fait qu'il gagnait suffisamment sa vie. Mais tout le monde n'avait pas le coeur à donner.

Nyme avait toujours été très affecté par ce qui pouvait arriver à un enfant. Il faut dire que Nathanael était tombé sur la bonne personne. Il n’hésita même pas cinq secondes avant de répondre.

- Biensur que je peux vérifier ce qu’il a, nous pourrons déjà mieux savoir comme le remettre sur pied.

Mais à la question où il fallait qu’il veille sur cet enfant il hésita un peu plus. Ce n’était pas la même chose, et puis il ne connaissait rien qui pourrait lui permettre de savoir veiller sur un gamin…

- Vous auriez dû me prévenir pour vos études au lieu de vous ruiner.

Pas qu’il se serait arrangé pour lui donner de l’argent, mais au moins il aurait pu utiliser quelques contacts qu’il avait depuis ses propres études qui auraient pu aider.

- Je connais par contre une dame qui serait sans doute capable de s’occuper de l’enfant.

Elle était plutôt âgée mais il ne doutait pas qu’Eleonore accepte car elle avait toujours adoré les enfants.

Nathanael poussa un soupir de soulagement en voyant une lueur au bout du tunnel, celle d'un avenir radieux pour son protégé. Il se leva, serra chaleureusement la main de Nyme en le remerciant. Ce petit aura au moins une chance de vivre la fin de son enfance comme tous les autres, à rire, à jouer, et à grandir, tout simplement.

Merci, mon ami, merci pour lui! Je vous emmènerai le voir dès que vous aurez le temps! Et pour mes études, c'est quelque chose que je m'étais promis d'accomplir depuis des années, et j'ai travaillé dur pour économiser. Ce n'est pas parce que vous êtes l'amoureux de ma soeur que vous me devez quelque chose, ou que vous devez m'entretenir. Je me suis toujours débrouillé seul, c'est un point d'honneur. Aidez le petit, c'est tout ce que je vous demande, je m'occupe très bien de ma personne, comme vous pouvez le voir!

Son visage persistait à afficher un sourire radieux, et Nyme venait de monter encore dans son estime suite à cette bonne action. Si seulement ils pouvaient en faire plus, pour d'autres enfants? Il se dit qu'il devrait lui soumettre cette idée, mais pas tout de suite. Chaque chose en son temps.

C’était quelqu’un de bien, Nyme ne pouvait en douter.

- Vous repasserez dans quelques jours et nous irons le voir. À moins que son état ne s’aggrave à un point que vous doutiez qu’il puisse attendre alors n’hésitez pas.

Il avait quand même quelques petits détails à régler et si l’enfant pouvait attendre ça l’arrangeait et il avait quand même d’autres patients qui étaient prévu à son horaire.

- Avant de partir, Masson vous donnera quelques pièces pour s’assurer que l’enfant puisse rester là où il est pour l’instant. Après tout, on ne veut pas le voir disparaitre dans la brume.

Nyme ne le laisserait pas négocier là-dessus. Cet argent ce n’était rien pour lui et tant qu’à la dépenser, au moins le dépenser pour quelque chose de pratique et surtout qui aiderait quelqu’un.

- Et…pour votre sœur ne vous en faites pas, je l’aime sincèrement et jamais je ne pourrais lui faire le moindre mal au contraire, je compte bien m’assurer de ne voir que du bonheur dans ses yeux.

Nathanael hocha la tête, écoutant les indications de Nyme, avant de s'approcher de lui et de lui donner une claque sur l'épaule. Sous ces airs de cube de glace, il y avait un coeur finalement. Coeur que sa petite soeur était arrivée à faire fondre. Cet homme lui était sympathique, et il était content de voir qu'elle lui faisait du bien. Il avait l'air plus... vivant depuis qu'il la connaissait. Et puis Nyme était riche, et quel frère n'était pas heureux de voir sa soeur se mettre à l'abri du besoin pour le reste de ses jours?

Vous n'êtes pas comme tous ces gens de la haute qui regardent les pauvres comme si c'était de la vermine, alors que c'est grâce à ces mêmes pauvres qu'ils ont du rôti dans leurs assiettes et du charbon dans leurs poêles... Encore merci.

Et puis, on pourrait aller se boire une pinte en ville dans les prochains temps, enfin, si ça vous tente bien sûr! Sur ce, je ne vous dérange pas plus longtemps!

Nathanael sortit du salon de son hôte, récupéra l'argent que lui donnait Masson et disparut dans le parc.