Visite de nuit

Theodora était déjà montée se coucher lorsqu'elle entendit du bruit et des voix provenir du hall d'entrée. Surprise et inquiète, elle enfila une robe de chambre par dessus sa chemise de nuit, et commença à descendre les escaliers.

Elle stoppa net lorsqu'elle reconnu l'uniforme des policiers, qui tentaient d'entrer par une heure si tardive.

Nyme, qu'est-ce qui... qu'est-ce qui se passe? Il est arrivé quelque chose à Nate?

Sous le coup de l'émotion, son visage avait perdu toute couleur, et sa prise sur la rampe pour éviter de chanceler. Une série d'images horribles se succédèrent rapidement dans son esprit, son frère mort renversé, attaqué, ou encore tué par ce meurtrier...

Pour l'amour du ciel dis-moi ce qui se passe!

Elle descendit encore quelques marches, refermant les pans de son peignoir.

Elle mit quelques secondes à comprendre qu'ils étaient là pour Nyme. Ses yeux effarés contemplaient ce spectacle avec horreur.

Mais vous êtes fous, lâchez mon mari! De quoi peut-il bien être accusé? Lâchez-le!

Elle tenta de s'interposer mais fut repoussée par un des deux policiers, et atterit presque dans les bras de Masson, des larmes commençant à rouler le long de ses joues.

Masson qu'est-ce qui se passe, c'est un cauchemar!

Elle serra les mains du vieux majordome, suivant Nyme du regard alors qu'il sortait de la demeure.

Je vais tout faire pour te sortir de là, je te le promets!

Theodora passa la nuit assise dans le salon, fixant la danse des flammes dans la cheminée, n'arrêtant pas de retourner le problème dans tous les sens. Mais pourquoi diable avait-il été accusé? C'était impossible!

Elle se relevait de temps à autres, remettant une bûche dans le feu,avant de retourner se lover dans l'épaisse couverture. Elle avait envoyé le cocher prévenir son frère, mais ce n'était pas sûr qu'il réponde avant l'aube...

Alors elle attendit, contemplant les flammes, ou faisant les cent pas dans le salon, allant de la fenêtre au hall, mais rien.

William avait eu du mal à s’endormir ce soir là et il se réveillait au moindre bruit. Si bien que lorsqu’il vit les lumières du manoir il se demanda ce qui se passait. S’habillant chaudement, il se faufila hors de la chambre et de la maison sans réveiller personne, il remarqua que son « père » n’était pas là mais n’en fit pas de cas. Le gamin décida d’aller voir le vieil homme du manoir pour savoir ce qui se passait et utilisa donc la porte de service pour entrer. Il fit quelques pas à l’intérieur.

- Vieux monsieur ?

Pas de réponse. Il continua à marcher un peu jusqu’à voir la lueur d’une cheminée et entra dans le salon. William figea en voyant une dame. Il l’avait déjà vu, du moins il avait la vague impression…Le gamin savait qu’il n’était pas sensé être là, surtout tout seul et ne voulait pas se faire gronder…

Theodora sursauta en devinant la présence de quelqu'un dans la pièce, mais elle accorda au gamin un sourire bienveillant. Il devait sans doute s'agir du petit William, que son frère avait aidé.
Elle lui fit signe de s'approcher. Après tout, discuter avec quelqu'un aiderait peut-être le temps à passer plus vite.

Bonsoir toi... tu dois être William non? Moi c'est Theodora, je suis la petite soeur de Nathanael... je crois que tu le connais bien... Viens, assieds-toi si tu veux.

Elle se poussa un peu et installa le petit garçon sous sa couverture avec elle.

Prends un gateau si tu veux

Dit-elle en lui désignant une assiette de petits gateaux posée sur la table basse avec une théière.

Sans rien dire, il fit exactement ce qu’elle lui dit pour ne pas la mettre en colère. William alla donc s’asseoir avec elle et se garda bien au chaud sous la couverture. Il tendit ensuite le bras pour attraper un petit gâteau. Finalement, elle semblait gentille puisqu’elle lui donnait des bonnes choses à manger.

- Moi je cherchais le vieux monsieur pour savoir pourquoi il a toute ces lumières.

En plus, si c’était la sœur de Nathanael elle devait être aussi gentille que lui. D’ailleurs, William se demandait bien où était son ami, ça faisait un moment qu’il ne l’avait pas vu.

- Vous dormez pas ? Moi ma maman elle me gronderait.

En faite, c’était ce qui risquait d’arriver quand elle verrait que son lit était vide et qu'elle le retrouverait.

Elle regarda le petit garçon avec tendresse, en s'imaginant que dans quelques années celui qu'elle portait lui ressemblerait... En espérant que cet enfant connaisse son père. Rien qu'à cette pensée, son coeur se serra, mais la réflexion du petit garçon la fit éclater de rire.

Je n'ai plus de maman depuis longtemps, et puis moi je suis une grande, on a plus besoin de me dire ce que je dois faire.

Elle le contempla quelques secondes, si innocent, si naïf...

Si il y a eu toutes ces lumières, c'est que les policiers avaient des questions à poser à mon mari, tu sais le médecin qui était venu te voir chez Mrs Jenkins... Une fois qu'ils auront ce qu'ils veulent, il va rentrer ici...

Et elle ne put s'empêcher de rajouter mentalement un "peut-être". Pourvu que tout se passe bien et qu'ils se rendent compte que c'était une erreur...

Et toi dis-moi, ça te plait ta vie ici? Les gens sont gentils avec toi?

William avait bien hâte d’être grand ! Il pourrait enfin faire ce qu’il voulait lui aussi ! Comme aller jouer dehors même sous la pluie et dormir à l’heure qu’il voulait ! Il écouta attentivement les explications. La police ? Il avait bien fait de ne pas venir plus tôt. Il ne comprenait pas que voler quelques petites choses à manger ce n’était pas si grave et qu’il ne devrait pas passer sa vie à devoir se cacher pour ça.

- J’aime beaucoup parce que il y a plein de place pour jouer et que j’ai des amis. Demain on va essayer d'attraper des lièvres dans la forêt!

Lança-t-il tout content, c'était le genre d'activité dont il n'avait pas l'habitude et qui lui semblait vraimetn exceptionelle. Il s’arrêta un instant, le temps de manger puis continua.

- Les policiers ils arrêtent les méchants c’est ça ?

Pendant que le gamin discutait avec Théodora, Nyme c’était fait mettre en cellule pour la nuit. Il n’avait rien dit de ce que la police aurait voulu entendre. Il était hors de question qu’il avoue des crimes qu’il n’avait pas commis.

- Parce que moi j’en ai vu un méchant mais la police elle l’a pas arrêté enfin je crois parce que il est parti très vite.

Théodora écouta son babillage d'enfant avec tendresse; Il avait eu de la chance, et elle espérait que beaucoup d'autres comme lui puissent avoir la même chance dans la vie. Il s'enthousiasmait pour un rien et ça faisait plaisir à voir.

Mais la dernière phrase la glaça de stupeur en même temps qu'il fit entrer en elle une bouffée d'espoir. Masson lui avait finalement avoué les raisons de l'arrestation de Nyme, et si William avait vu le tueur, le vrai tueur, peut-être qu'il pourrait innocenter son mari!

Elle prit les mains du petit garçon, et plongea ses yeux dans les siens.

Maintenant, j'ai besoin que tu sois un grand garçon très courageux, et que tu me racontes exactement ce qui s'est passé avec ce méchant d'accord? C'est très important! Et je te promets qu'ensuite Masson te fera un plateau plein des gâteaux que tu préfères. Je t'écoute!

Il ne comprenait pas trop pourquoi elle réagissait ainsi mais quand elle parla d’un tas de gâteaux, il oublia complètement à quel point il trouvait sa réaction étrange. William haussa les épaules.

- Moi j’étais avec tout le monde à Londres pour faire le marché mais j’étais assis avec Terrence pour manger. Et là il a vu un chien et on a voulu aller jouer avec lui mais il s’est sauvé. On a couru très vite mais on l’a pas retrouvé. Et là on a entendu une dame crier très fort alors on a voulu aller voir et c’est là que le méchant nous a poussé. C’était un très grand monsieur avec un long manteau même s’il faisait pas si froid et quand on est aller voir plus loin c’est là qu’on a vu qu’il était méchant parce que la dame elle était morte et toute pleine de sang et là on a trouvé un gant !

Le gamin adorait raconter des histoires et il ne réalisait pas trop la gravité de ce qu’il disait même s’il avait eu très peur cette journée là.

Théodora écoutait le petit garçon avec les yeux fixés sur lui, ne ratant pas une miette de ce qu'il était en train de raconter. Elle avait un témoin, et en plus un indice!
Un poids immense s'ôta de ses épaules et elle sentit qu'elle pouvait enfin respirer correctement. Mais une ombre vint ternir ce tableau : les policiers du Yard croiraient-ils un enfant? Qui plus est un enfant qui vivait sous le toit du suspect et qui, comme par hasard, l'innocenterait... Mais il fallait tenter le coup!

William, viens on va aller chercher ton gant, c'est très important!

Elle prit le petit garçon par la main et fila avec lui dans la nuit pour récupérer la seule preuve qu'ils avaient.

William se sentait utile et il adorait ça, surtout qu’elle lui avait promis à manger et qu’elle semblait bien contente de ce qu’il lui avait dit. Il la suivit, se retrouva dehors dans le parc en marchant vers sa maison.

- On l’a caché dans l’écurie pour pas se faire gronder de l’avoir prit.

Le gamin la conduisit donc jusqu’à l’écurie et réussis tout seul à pousser la grande porte pour pouvoir entrer. Les chevaux n’étaient pas là tout comme le carrosse qui normalement était tout simplement devant le bâtiment.

- Il est dans la paille je crois.

Will entra et se mit à fouiller un peu. Il fallait bien qu’il trouve le gant sinon Théodora aurait été très déçu même s’il ne comprenait pas encore très bien pourquoi.

Il devait être dans les premières heures du matin lorsque Theodora suivit le petit garçon hors du chateau, enfilant seulement une cape par dessus son peignoir et sa chemise de nuit. Elle attrapa une lanterne dont elle alluma la bougie, avant de partir dans le parc obscur en direction des écuries. Elle avait souvent demandé à Nyme de lui apprendre à monter à cheval, mais maintenant avec sa grossesse le projet devait être reporté.
Elle découvrit le bâtiment et s'engouffra à l'intérieur, suivant toujours le petit garçon.

Allez, dis-moi où tu l'as caché! Montre moi que tu es un grand garçon très intelligent!

Son coeur battait à tout rompre. Une seule erreur, une inattention de la part du cocher et le gant pouvait se trouver n'importe où. Elle croisa les doigts, espérant qu'il allait vite le retrouver. Puis elle prendrait un cab, ou irait même à pied, en direction du commissariat, emmenant le gant, et surtout le petit William.

William connaissait cet endroit tellement bien qu’il n’avait pas vraiment besoin de lumières pour savoir ce qu’il faisait. Le garçon continua à fouiller dans la paille jusqu’à finalement pousser un cri triomphal en retrouvant un petit bout de tissus blanc taché de sang.

- Regarde madame ! Je l’ai trouvé ! Mais je crois que les chevaux ont dû en manger un bout…mais c’est pas grave hein ?

Jusque là il avait tout bon…elle ne lui en voudrait pas juste pour ça quand même ! À ce moment, une autre lueur de lanterne arriva derrière eux, c’était Christopher, l’aîné de la famille qui était venu voir ce qui se passait aux écuries, alerté par la lumière et les bruits.

- La dame elle voulait que je lui donne le gant !

Lança Will pour sa défense, sachant qu’il n’était pas sensé être là à cette heure.

Son coeur s'arrêta de battre lorsqu'elle entendit le petit garçon trouver le gant. Sauvée! Elle le prit, l'enveloppa dans un linge propre puis serra le petit garçon contre elle, lui déposant un baiser sonore dans les cheveux.

Oh William, je crois que tu viens de sauver la vie de mon amoureux, et la mienne par conséquent!

Puis, se relevant, elle vit alors l'autre fils du cocher s'approcher. Elle lui demanda, à tout hasard.

Dis-moi, toi aussi tu étais là lorsque vous avez trouvé la dame morte? Je t'en prie réponds-moi c'est très important! Et rassure-toi, rien de mal ne risque de t'arriver!

- Non m’dame, c’était pas moi.

Normalement, il aurait rapidement ramener William à la maison mais là c’était la grande dame du manoir qui était avec lui et Christopher avait bien appris qu’il se devait de respecter les gens qui y vivaient plus que tout parce que c’étaient eux qui faisaient vivre sa famille.

- C’était pas avec lui c’était avec Terrence mais il dort.

Ajouta William en voyant que son frère ne comprenait pas du tout de quoi il était question. Après tout, ils n’avaient pas vraiment parler aux autres de ce qu’ils avaient vu ce jour là quand ils c’étaient perdu car ils avaient eu d’abord très peur puis avait finit par l’oublier.

- J'ai vraiment sauvé la vie de quelqu'un?

C'était quelque chose qui le dépassait un peu mais il était vraiment très fier de son coup.

Theodora hocha la tête et se mordit la lèvres. Dommage... elle réfléchit rapidement aux différentes options qui s'offraient à elle, pour arriver à la seule conclusion possible.

Ecoute mon grand, c'est très important. Il faut absolument que tu réveilles ton petit frère, car William et lui doivent dire ce qu'ils ont vu à la police. Sinon, mon mari pourrait se retrouver en prison, et je ne pourrai plus vivre ici, et ton papa ne pourrait plus travailler comme cocher... Il faut qu'on aille à Scotland Yard!

Elle suivit du regard le garçon disparaître dans la maison, et resta avec William, qu'elle tenta de rassurer. Après tout, il n'était qu'un petit garçon, mais on était au milieu de la nuit, et il était possible qu'il n'ait pas compris certaines choses.

Je sais que tout ce qui se passe ici, c'est un peu trop pour toi... J'aimerai bien te laisser dormir ici, avec tes frères, mais ce soir, toi et ton petit frères allez être les héros... Si les policiers croient ce que vous dites ,alors vous allez être nos héros à tous, d'accord?

Lorsqu'elle voulut se relever, une douleur lancinante s'éleva de son bas-ventre, et elle s'immobilisa quelques instants, plaquant sa main dessus, que la douleur passe, avant de finir de se relever en grimaçant. Il fallait sauver Nyme.

Obéissant, Christopher se dépêcha de retourner à la maison car il voyait bien que c’était très important et qu’il ne voulait pas que son père perde son travail. Ça pouvait paraître un peu égocentrique, mais après tout la principale préoccupation était toujours d’avoir quelque chose à manger sur sa table. Avec toute cette agitation tout le monde était réveillé de toute façon. Terrence s’habilla rapidement encore tout somnolent. Pendant tout ce temps, William resta avec Théodora et remarqua qu’elle ne semblait pas aller très bien.

- Vous vous êtes fait mal ?

Terrence finit par aller les rejoindre. Le petit avait les yeux à moitié fermés et baillait. Apparemment, il aurait bien apprécié de pouvoir rester bien au chaud dans son lit pour le reste de la nuit. Bien qu’il avait à peu près le même âge que William, il était un peu plus petit quoiqu’il semblait en bien meilleur santé. C’était un petite garçon blond qui ne semblait rien avoir de bien particulier.

- Mais la police elle m'aime pas moi.....la police elle va m'arrêter....je veux pas y aller...

William venait tout juste de réaliser ce qu'elle lui demandait de faire.

Son malaise semblait s'être dissipé, mais de toute façon elle n'avait pas le luxe d'y prêter attention, le temps était compté. Elle prit donc William par la main, Terence de l'autre, et tenta de les rassurer.

Tout ira bien... tu as une vraie famille maintenant, et personne ne pourra te l'enlever. On va juste vous demander de raconter ce qui s'est passé dans la ruelle, avec le méchant monsieur. C'est tout. Et ensuite on va tous rentrer au manoir, c'est promis d'accord?

Heureusement que le cocher venait de rentrer, et il la mit rapidement au courant de la situation : son frère avait été prévenu, et il était auprès de son mari avec un avocat. Theodora aida les deux petits garçons à grimper en voiture, vérifia qu'elle avait bien le gant avec elle, et demanda au cocher de se diriger vers Scotland Yard.