La soirée commence bien...

Au sous-sol de ce même pub, le bas peuple de Londres se livrait à un autre type de loisirs, tout aussi peu recommandable : les combats de boxe. L'ambiance était survoltée, plusieurs rangs d'ouvriers, de marins et d'autres personnes peu recommandables se tenaient serrés autour d'une sorte d'arène de fortune, constituée de palissades en bois d'environ un mètre, encadrant un espace vide recouvert de sciure. Un combat venait de se finir, et on traînait le perdant par les pieds pour l'évacuer du ring. Le vainqueur, lui, un marin à l'air mauvais et au corps recouvert de tatouages était adossé à une des palissades et buvait goûlument une pinte de bière en attendant son prochain combat, pendant que deux hommes passaient un rapide coup de balai sur la sciure ensanglantée et en répandaient de la fraîche.
Celui qui tenait le rôle de pseudo-arbitre s'approcha et fit tinter une cloche. Adversaire suivant. Nathanael avait laissé ses habits de ville dans l'arrière-salle, et s'approchait vêtu simplement d'un bermuda de grosse toile. A la lueur vacillante des lampes à pétrole, sa musculature fine, mais sèche, ressortait à contre jour. Il fit rouler ses épaules, sautilla plusieurs fois sur place, puis s'approcha, entrant dans l'arène, et se mit en position, les poings bandés protégeant son visage.

Le marin et Nathanael commencèrent une sorte de valse, chacun avançant en cercle, se jaugeant du regard. Puis, sans prévenir, le marin bondit sur lui et il évita de justesse un crochet du droit d'une puissance phénoménale.
"Oulah, il allait être coriace celui-là!"

Ils se séparèrent pour quelques instants, avant que Nathanael ne s'approche. Malheureusement, une seconde d'inattention et il reçut un uppercut en pleine mâchoire. Sa tête bascula en arrière, et une explosion de douleur jaillit dans son crâne.

"La vache! C'est une vraie enclume ce type!"

Autour d'eux, le public était surexcité, et encourageait son champion, dans l'espoir de gagner un ou deux mois de paie sur un coup de chance.
Pendant de longues minutes les deux hommes continuèrent leur danse sauvage et brutale, échangeant et rendant des coups. Le marin avait une force phénoménale, mais il n'était que brutalité. Nathanael par contre, moins fort, était plus agile et plus rapide. Il se déplaçait comme une ballerine, tournait autour de son adversaire, le harcelait, le faisait se fatiguait. Et à chaque fois le marin se vidait de sa force dans des coups qui se finissait souvent dans le vide. Encore de longues minutes à ce rythme, puis Nathanael saisit sa chance. Il vit que son adversaire était déséquilibré, et il profita de cette seconde pour lui asséner un solide crochet du gauche. Le marin ne vit rien venir, et s'adossa brutalement contre la palissade. Nathanael continua à lui asséner des coups rapides et précis, n'en recevant que peu. Puis, un dernier effort, un dernier coup, et le monstre tomba à genoux, suant, soufflant, et saignant à de multiples endroits. Nathanael, plein d'espoir, attendit quelques secondes, sur la défensive. Puis soupira de soulagement quand, après le décompte de l'arbitre, son adversaire ne s'était pas relevé, et que la cloche sonna la fin du combat.

La foule poussa des hurlements redoublés, pour féliciter son champion, ou pour huer le perdant. Nathanael attrapa la liasse de billets qu'il avait gagnée grâce aux paris, puis se dirigea dans l'arrière salle sous les acclamations d'une partie de la foule. Une fois là, il se rassit en soupirant sur un des deux bancs. Une belle somme ce soir! Il rangea soigneusement sa liasse de billets de banque, puis se posta devant la glace et entreprit de se soigner, aidé par une serveuse de la taverne qui avait un faible pour lui. Un peu rafistolé avec les moyens du bord, il remonta dans la salle principale, et atterit au beau milieu d'un grand chahut.

Nyme commençait à avoir de sérieux problème et l’auto-défense n’était pas trop son fort puisque normalement quelqu’un d’autre le protégeait. Il avait heureusement certains réflexes qui lui permirent de se retrouver à nouveau rapidement sur ses deux pieds. Il tenta de détaler mais l’homme qu’il avait heurté plutôt le rattrapa par le col d’une seule main et l’attira vers lui. Il était vraiment coincé et disons que la force physique n’était pas pour lui le moyen de s’échapper. En sentant que ses pieds ne touchaient plus le sol de nouveau, Nyme paniqua un peut.

- Écoutez monsieur…on peut sûrement négocier…

En guise de réponse, l’homme lui envoya un direct au visage qui le sonna un peu. Bon, là il en avait un peu assez. Nyme sortit rapidement le couteau qu’il gardait sur lui mais comme il n’avait pas l’intention de tuer l’homme qui s’attaquait à lui, il se servit simplement du manche pour le frapper à la tête. L’effet de surprise fut sans doute le seul responsable du fait que Nyme se retrouva momentanément libre. Son réflexe vu de tenter à nouveau de s’échapper de cette mêlée générale qui avait éclaté à cause de lui alors qu’il n’avait rien fait de grave. Mais, comble de la malchance, il fonça à nouveau dans quelqu’un.

*Oh non….pas encore…il faut que je sorte d’ici et vite.*

Nyme releva la tête pour voir qui il venait d’heurter. C’était un jeune homme qui semblait déjà un peu amoché ce qui fit espérer à notre médecin qu’il ne voudrait pas se battre. Juste au bon moment, il baissa la tête alors qu’un objet qu’il n’eut même pas le temps d’apercevoir passa au-dessus de lui et l’aurait très certainement frappé s’il n’avait pas eu ce réflexe.

- Je suis navré…je devrais regarder où je mets les pieds mais pardonnez moi, il faut vraiment que je sorte avant d’y laisser la vie.

L’accent n’était pas terrible mais il n’avait pas le temps de se forcer pour paraître crédible là, il voulait juste sauver sa peau avant que quelqu’un d’autre lui tombe dessus et espérait que l’homme devant lui ne lui répondrait pas par un geste violent ou quelque chose de douloureux du genre. Nyme espérait sincèrement n’avoir quelques égratignures car il faudrait qu’il fournisse des raisons crédibles pour éviter que les rumeurs se mettent à circuler sur son compte. Réalisant qu’il n’avait pas l’air trop pacifique il rangea son couteau d’un geste rapide et se disait simplement qu’il avait bien hâte de retrouver rapidement le calme du manoir.

Nathanael contempla avec surprise le jeune homme qui venait de heurter. Rien d'extraordinaire... mais il n'avait vraiment pas l'air de quelqu'un du coin, même si c'était plutôt bien imité. Un peu trop précieux peut-être... N'empêche, le moment n'était vraiment pas aux présentations, alors Nathanael se contenta de prendre le nouveau venu par le bras, et de le tirer à sa suite vers la sortie. La progression fut laborieuse tant la foule était déchaînée dans la salle, entre les chaises qui volaient, les chopes qui se brisaient sur le sol. A un moment, il dût même tirer le jeune homme à plusieurs reprises, soit vers le sol, soit dans d'autres directions, pour le faire éviter des obstacles divers, hommes comme objets non identifiés.

Il poussa enfin la porte d'entrée et sortit, le jeune homme à sa suite, juste au moment où deux bobbies accouraient pour mettre un peu d'ordre dans ce foutoir. Nathanael se tourna vers eux, et les apostropha "Heureusement que vous arrivez, y'a du grabuge là-dedans!" .
Puis il fit quelques pas, se laissa tomber sur un banc et sortit une cigarette d'un étui un peu cabossé.
"Alors mon petit monsieur, qu'est-ce qu'on vient faire dans un endroit pareil? On a envie de s'encanailler un peu? Pour ça, je dois dire que vous avez réussi!
Le ton n'était pas moqueur, mais plutôt amusé. Il alluma la cigarette, et en inspira une longue bouffée avec un soupir de satisfaction.

Quand il sentit que Nathanael le saisit par le bras, il s’attendit d’abord au pire. Heureusement, l’autre l’aida plutôt à sortir de là. Nyme se fit bousculer de tout les côtés mais ne pouvait pas se défaire de l’emprise de celui qui le tirait vers il ne savait pas trop où. Heureusement, ils finirent par arriver dehors et il le suivit par réflexe, ne sachant pas trop où aller de toute façon. Il se surprit à essayer d’enlever la poussière de ses vêtements, d’accord, il devrait pratiquer un peu son rôle et éviter ce genre de manie. Nyme replaça ensuite sa casquette correctement, il détestait se promener sans chapeau.

- Inutile de se moquer, j’ai bien le droit de me distraire. Évidemment il y a certain inconvénients mais au moins tout est nettement mieux que…peu importe.

D’accord, son personnage était déjà foutu et l’autre homme savait qu’il ne venait pas du même milieu. Par contre, il ne voulait pas s’enfoncer d’avantage, pas besoin qu’on sache qui il était vraiment. Il n’avait aucune envie de ruiner sa réputation et surtout de risquer de perdre des clients importants à cause de ses petites frasques nocturnes.

- Je vous remercie par contre de m’avoir tiré de cet enfer, je vous suis redevable.

Après tout, qui sait comment ça aurait pu finir sinon ? Sûrement très mal pour un petit aristocrate qui n’avait rien à faire là. De toute façon, qu’est-ce que cet homme pourrait lui demander en échange ? Un peu d’argent sans doute comme tous les autres et ça ce n’était pas un problème.

En entendant la réplique de son interlocuteur, Nathanael laissa éclater d'un petit rire bienveillant.

"Eh ben vous avez de la chance de pouvoir venir ici seulement pour vous distraire! Ce n'est pas comme ça pour tout le monde... Et vous ne me devez rien, j'ai eu de la veine ce soir. N'empêche, je suis quand même curieux de savoir ce qu'il y a de distrayant à venir dans un endroit comme celui-ci. Un manque d'exotisme? "

Il sortit de sa poche un mouchoir rapiécé, mais impeccable, et s'en tamponna son arcade encore un peu sanguignolante en grimaçant légèrement.

Nyme avait la vague impression qu’on se moquait de lui et il n’appréciait pas particulièrement. Résultat, il retrouva son allure et son ton froid caractéristique de lorsqu’il s’adressait à quelqu’un la plupart du temps.

- Simplement pour me désennuyer, les bals, les fêtes, la société…tout est toujours pareil, morne et inintéressant. Mais évidemment vous ne pouvez le savoir.

Ce n’était pas de l’arrogance, rien n’était dit méchamment ou dans le but de montrer de la supériorité. Nyme avait simplement laissé complètement tombé son personnage pour en revêtir un autre, celui de l’aristocrate solitaire qui passait le plus clair de son temps enfermé dans son manoir à refuser tout visiteur.

- En suturant la blessure cicatriserait bien plus vite et ça éviterait les infections.

Commenta-t-il en le voyant éponger le sang de son visage. Après tout, il savait de quoi il parlait puisque c’était son travail et qu’il était mieux formé, et beaucoup plus recommandé, que la plupart des supposés docteurs de ce quartier qui vous finissait souvent par vous tuer alors que vous n’aviez rien de bien grave à la base.

Nathanael rit de plus belle.

Si seulement j'avais le luxe de m'ennuyer! Si je viens ici, c'est pour un tout autre type d'activité! Mais... vous êtes médecin? Parce qu'un médecin, ça pourrait être très intéressant!

Il se releva, et jeta sa cigarette au loin d'une pichenette.

Je n'ai pas le luxe de me payer les services d'un médecin d'habitude, et surtout pas d'un aussi élégant! En temps normal, pour ce genre de bobos, je vais chez ma soeur, elle est couturière. Mine de rien, couture et suture, c'est pas si différent! Mais comme c'est gentiment proposé je vous suis! Vous habitez loin?

Bon, le voilà qui devrait se taper du boulot ce soir là. Mais où est-ce qu’il pourrait faire ça ? L’amener à son cabinet ça serait trop risquer avec le nombre de passant qui pourrait les voir quand au manoir…c’était sans doute préférable et surtout beaucoup plus discret. Et puis, qui irait croire un pauvre homme qui prétendrait y avoir mit les pieds ? Ça serait sa parole contre celle de Nyme si jamais il parlait alors aucun risque.

- Plutôt loin mais avec un moyen de transport rapide ça ne devrait pas être trop long.

Sans prendre le temps de s’assurer s’il le suivait, Nyme se mit à marcher le long de la rue. Il ne portait aucune attention à tout ceux qu’ils purent croiser jusqu’à atteindre un petit pont traversant la Tamise près du quel un carrosse attendait. C’était son moyen de rentrer, à chaque soir où il savait qu’il sortirait, Nyme faisait poster son carrosse aux mêmes endroits. Lorsqu’il approcha, le cocher descendit pour lui ouvrir la portière et jeta un coup d’œil à Nathanael.

- Il vient avec nous.

Déclara simplement Nyme avant de monter. Il attendit que l’autre se soit installé pour ordonner le départ et le carrosse se mit à s’agiter alors que le bruit des sabots se mit à raisonner. Bien installé dans ses sièges qui ne dégageaient que le luxe alors que l’extérieur était plutôt sobre puisque Nyme avait prit soin de masquer les armoiries de la famille.

- Je vous conseil mon ami de ne rien raconter de qui je suis ou de l’endroit où nous nous rendons car vous ne feriez que vous ridiculiser.

Agréablement intrigué par la tournure que prenait la soirée, Nathanael commença à suivre l'inconnu jusqu'à un carrosse qui le laissa muet d'admiration.

"Quelle merveille!"

Il s'attarda quelques secondes dans la contemplation du somptueux équipage, avant de remarquer que son hôte ne l'avait pas attendu. Il s'engouffra rapidement à sa suite, savourant le luxe discret, et surtout l'extrême confort des banquettes. Il avait l'air content d'être là, et n'avait pas du tout l'aspect menaçant. Au contraire, il émanait de lui une énergie positive, même si il semblait avoir des parts d'ombre.

"Au fait, je m'appelle Nathanael. Nathanael Riverblossom! Et vous, à qui ai-je l'honneur?"

Nyme hésita un moment à lui révéler son nom…mais après tout il venait de le dire, la parole de cet homme ne vaudrait rien si jamais il parlait de cette rencontre alors que lui démentirait tout.

- Enchanté, je suis Nyme Wintercome.

Il lui épargna le Joshua puisque la seule personne qui l’avait appelé ainsi était son père et que ce prénom était loin d’être attaché à de bons souvenirs. Le carrosse continua sa course pendant une bonne dizaine de minutes avant de sortir complètement de la ville. Le paysage changea soudainement, les maisons devenaient de plus en plus rares et les arbres énormes les remplaçaient. L’attelage s’avança dans une grande allée bordée de pins imposants. Le bâtiment principal de la résidence n’était pas clairement visible, seules quelques lumières leur parvenaient mais la silhouette finit par devenir de plus en plus clair à mesure qu’ils approchaient. Le carrosse stoppa finalement et la portière s’ouvrit de nouveau, les laissant devant des portes en bois immenses qui semblait encore plus imposantes qu’elles ne l’étaient en vérité à cause de l’obscurité. Un homme âgé de grande taille ouvrit la porte. Il s’agissait du majordome de la famille et de celui qui avait en faite véritablement élevé Nyme.

- Bienvenue à la maison monsieur, j’espère que votre promenade a été des plus agréable.

Lança l’homme d’un ton monotone en s’écartant pour les laisser entrer. Le hall était plutôt étroit, donnant sur un couloir qui paraissait sans fin. Sur chaque mur on retrouvait des portraits de différent membre de la famille à différentes époques. Le majordome s’approcha de Nathanael et lui dit à voit basse:

- Ne touchez à rien.

Nathanael n'en revenait pas de tout ce luxe et de toute cette magnificence. Il hésita même à en franchir le seuil, tant cette demeure l'impressionnait. Puis il prit son courage à deux mains, et entra, marchant précautionneusement.

Par contre, quand le majordome lui souffla de ne toucher à rien, il rugit.

Non mais vous vous prenez pour qui, espèce d'emplumé qui graisse les pattes des riches en espérant avoir sa part du gâteau! J'ai beau ne pas rouler en carrosse, ni manger dans de la porcelaine, mais je n'ai jamais rien volé, à qui que ce soit! je suis peut être pas né riche, mais je vais décharger des cargos sur les docks tous les matins, et je risque ma vie dans des combats de boxe pour assurer un avenir honorable à ma soeur, et me permettre de vivre! Tout ça parce que jamais, JAMAIS je ne m'abaisserai à voler!
En plus, si je n'avais pas été là, votre petit maître bien propret qui s'amuser à se frotter à la populasse, il serait en train de flotter dans la Tamise, nu comme un ver et un couteau entre les omoplates!
Je préfère encore retourner dans ma mansarde, plutôt que de rester une seconde de plus ici à me faire traîter comme la dernière des vermines!

Après avoir hurlé sur le majordome, il tourna les talons et descendit comme une furie les quelques marches qui menaient au parc.

Nyme c’étant avancé dans le couloir, il n’avait rien entendu de ce que le domestique venait de dire à Nathanael et sursauta en l’entendant s’emporter ainsi. Il soupira, se doutant bien du malentendu qui venait d’avoir lieu et regarda son « sauveur » sortir. Il s’approcha de la porte et regarda dehors un instant.

- Pas trop habile de votre part Masson. Vous auriez pu faire un effort avec notre invité. Bon, de toute façon il n’ira pas très loin avant de se perdre.

Après tout le manoir était plutôt éloigné de tout. En faite, il n’y avait qu’une route terreuse après avoir traversé l’allée de pins et derrière la maison il y avait un boisé touffu dans lequel on retrouvait un petit lac, il était d’ailleurs facile de s’y perdre surtout pendant la nuit. Mais la partie la plus importante du jardin se trouvait tout juste à droite, un arbre était là, un grand chêne semblant sorti de nulle part au pied duquel quelques mots étaient gravés sur une pierre.

- Vous désirez que j’aille le chercher monsieur ?

- Je m’en occupe, vous en avez assez fait.

Nyme connaissait les alentours par cœur et n’eut donc aucun mal à s’orienter dans l’obscurité. Il entrevit rapidement une silhouette dans l’obscurité.

- Je savais bien que vous n’iriez pas très loin. Veuillez excuser le comportement de Masson, il n’aime pas devoir nettoyer les traces de doigts de tout le monde un peu partout.

Et là-dessus le domestique avait de la chance puisque la plupart du temps il devait se contenter d’enlever un peu de poussière parce que rare étaient les invités dans cette maison.

Nathanael s'éloignait du manoir totalement furieux. Pour qui il se prenait l'autre? Ce majordome se croyait meilleur que lui parce qu'il repassait des draps de soie et lessivait de la porcelaine, sans utiliser ni l'un ni l'autre! C'était trop fort!

Il marchait d'un pas rapide, droit devant lui, sans de réel but précis, lorsqu'il entendit son "hôte" l'appeler. Il lui fit alors face et continua sur sa lancée colérique.

Votre majordome m'a tout simplement pris pour un voleur, alors qu'il ne m'avait entrevu qu'une seconde! Ce n'était pas un problème de ménage!
En tout cas merci pour la balade, mais je préfère rentrer chez moi...

Et il continua sa marche dans la nuit.

Nyme trouvait ça un peu amusant. Il n’était pas du genre à se fâcher et voir Nathanael ainsi lui rappelait pourquoi.

- Vous risquez de devoir marcher toute la nuit mon cher pour regagner votre demeure. La colère est de mauvais conseil alors je vous proposerais de vous calmer et de retourner à l’intérieur avant que vous vous égariez car la route est de l’autre côté.

Il continuait de le suivre simplement, prenant soins d’où il mettait les pieds pour éviter de tomber à cause d’une pierre.

- Masson n’a pas l’habitude des visites, rares sont ceux qui viennent ici. Son comportement a peut-être laissé à désirer mais vous comprendrez que part les temps qui cour les gens honnêtes sont plutôt rares.

Surtout avec tous les meurtres qui avaient eu lieu, personne ne semblait pouvoir être en réelle sécurité. Il avait finit par le rattraper et marchait maintenant à ses côtés.

- Alors, vous allez vous user les pieds en laissant quelqu’un vous insulter ou tout simplement revenir que je m’occupe de ces blessures?

L'autre faisait preuve de bon sens... et c'était vrai qu'un de ses principaux défauts était de s'emporter trop vite. Il réfléchit une seconde avant de s'arrêter, puis faire demi-tour avant de répondre, beaucoup plus calme.

Je ne suis pas une sorte de bonne action que vous pourrez exhiber en vous flattant de remédier à la grande pauvreté de Londres... Et j'aurai pu trouver mieux comme excuser pour m'introduire chez vous non?
Je vous suis, mais à la prochaine remarque de votre majordome, je m'en vais... on est d'accord?

En voulant retourner au manoir il manqua de tomber en trébuchant sur une pierre posée sur le sol. Il se retint de pousser un juron puis son regard s'y posa.

Nom de ...!

- Si c’est ce qu’il faut pour vous rassurer, je ne suis pas un vantard, je ne parlerais pas de vous et évidemment vous ne parlerez pas de moi. De plus, soyez certain que Masson ne fera plus aucun commentaire.

Nyme n’était pas du genre sans cœur mais ne se ventait pas des bonnes actions qu’il pouvait commettre. Par exemple, il payait une rente généreuse à la femme qui l’avait élevé, sa nounou en quelque sorte, et qui lui permettait de se loger et de ne plus avoir à travailler. Il se disait que c’était bien ce qu’il lui devait. Tout d’un coup, Nathanael sembla disparaitre mais son éclat de vois suffit à convaincre Nyme qu’il était bien là. D’un geste, il lui attrapa le bras et parut un peu irrité.

- Faites attention où vous mettez les pieds ! Et un peu de respect je vous prie !

En pleine nuit ça ne semblait être qu’une simple pierre mais apparemment ce n’était pas seulement ça vu la réaction que Nyme venait d’avoir. Ils continuèrent jusqu’au manoir où le majordome semblait s’être volatilisé, du moins il s’arrangeait pour ne plus être des les pattes. Nyme lâcha alors Nathanael puisqu’il pouvait maintenant voir devant lui et s’engouffra dans le couloir aux portraits puis poussa la porte de son bureau.

Nathanael se laissa donc conduire un peu plus docilement, contemplant à nouveau toutes les belles choses autour de lui, et pensant à quel point tout ceci plairait à sa petite soeur.

Il fut également soulagé de remarquer que le majordome s'était éclipsé sans demander son reste, le laissant seul avec sa nouvelle connaissance.

"Cet endroit est vraiment magnifique... Vous vivez tout seul ici?"

Puis une fois dans le bureau il contempla avec attention et curiosité les étagères pleines de livres qui couvraient presque tous les murs, le décor raffiné, les peintures et les dorures.

"Alors, c'est ici que vous allez me charcuter? "

À force de vivre dans cet endroit, il avait finit par oublier à quel point ça pouvait sembler impressionnant et magnifique.

- Oui je vie seul, je suis le dernier de ma ligné alors…

En faite, Masson vivait dans la maison aussi mais le principe restait le même. Dans son bureau, normalement il ne soignait personne là mais s’occupait plutôt de la gestion de ses biens et de sa fortune. Un grand bureau en bois où s’entassaient des livres de comptes se trouvait au centre de la pièce dont les murs étaient couverts de bibliothèque. Lorsque Nathanael parla de le charcuter, Nyme ne pu s’empêcher de sourire.

- Je vais essayer de ne pas mettre trop de sang sur le tapis. Si vous vous tenez tranquille ça ne devrait pas être bien compliqué.

Nyme alla chercher quelques outils : une aiguille, du fil et des ciseaux, en plus de revenir avec une bouteille d’alcool. Sortant un mouchoir brodé de sa poche et l’imbibant d’alcool, il s’approche de l’homme.

- Ça risque de faire un peu mal.

Sur ce, il passe le mouchoir sur le sourcil de Nathanael pour essuyer le sang sécher et désinfecter comme il pouvait. Puis il se retourna pour attraper le fil et l’aguille et approcha une lampe qui trainait sur le bureau pour être certain de ce qu’il voyait et il se mit à coudre. Il n’était peut-être pas une couturière mais ce n’était pas les premiers points de sutures qu’il faisait.

- Le reste ne semble pas trop grave au pire avec de l’alcool et un fer brûlant ça guérirait plus vite.

Quoique ce traitement plutôt moyenâgeux, mais dont l’efficacité était prouvé, pouvait être plutôt douloureux.

Nathanael s'assit sur le bureau, pour être au même niveau de son bon samaritain. Il se laissa faire sans broncher, et quand son hôte s'approcha avec une bouteille d'alcool, il afficha un petit regard déçu en se rendant compte que ce n'était que de l'alcool médical, et pas un bon vieux scotch. Surtout que, vu la demeure, ils ne devaient pas servir l'infâme liquide des gargottes du vieux Londres.

Lorsque Nyme commença à le recoudre, il encaissa stoïquement les allers et retours de l'aiguille, en homme habitué à ce genre d'exercice. Il n'osait pas non plus faire la causette, de peur de déconcentrer celui qui tenait l'aiguille. On ne sait jamais. Puis, quand il entendit le "clac" du ciseau, signifiant que la suture était terminée, il reprit sa discussion.

" Vous vivez tout seul ici? Puis après un léger silence, pour ne pas embarrasser son nouvel ami. "Moi aussi j'ai perdu mes parents vous savez... Mais j'ai de la chance, il me reste ma petite soeur, Théodora. C'est une fille fantastique. Je sais pas ce que je ferai sans elle!"

Nyme se retourna ranger ses affaires lorsque Nathanael se remit à lui parler d’un sujet qu’il n’appréciait pas vraiment, la famille. Il faut dire qu’avec le genre de père qu’il avait eu, très strict et qui se souciait très peu de lui en faite, c’était un peu normal. Et le fait d’avoir retrouvé sa mère pendue à un arbre dans le jardin quand il avait cinq ans ça n’aidait pas.

- Tant mieux pour vous

Dit-il simplement en replaçant la lampe qu’il avait utilisé.

- Moi j’ai Masson, c’est un peu moins vide comme ça.

Il n’était peut-être pas très sociable mais certains jours c’était vrai que la maison lui semblait beaucoup trop grande et vide. C’était pour ça aussi qu’il sortait parfois dans les quartiers plus pauvres. Nyme ne s’était jamais demandé si tout aurait été différent s’il avait eu un frère ou une sœur, peut-être mais peu importe ça ne servait à rien de ce le demander. Au moins, il avait plein de choses à faire pour l’occuper…

Nathanael sentit bien que le sujet était sensible, aussi décida-t-il de changer de sujet.

" Vous vous débrouillez pas trop mal, j'ai presque rien senti! "

Il attendit quelques secondes avant de continuer.

"Bon... je ne veux pas vous déranger plus longtemps... indiquez-moi juste la bonne route et je me débrouillerai!"

D'un certain côté, Nathanael était presque triste pour Nyme, vivre tout seul ici... être seul au point de trouver un semblant de compagnie en fréquentant les tavernes. Lui était pauvre, mais il avait des rêves, devenir avocat, acheter un jour un bel appartement... mais Nyme avait déjà tout, matériellement parlant. A quoi d'autre pouvait-il rêver? Trouver son âme soeur peut-être?

- Je demanderais au chauffeur de vous ramener, ce sera bien plus simple.

Après tout, ça aurait quand même était peu convenable de l’amener jusqu’ici et de le laisser refaire tout ce chemin à pieds. De plus, si on jour il finissait par le recroiser, bien le traiter jusqu’au bout ne pouvait qu’avoir des effets positifs. Il raccompagna donc son invité jusqu’au carrosse en lui disant simplement de dire au cocher où aller. Il les regarda partir et retourna à l’intérieur.

- Ce n’est pas prudent de ramener des étrangers Joshua.

- Ne m’appel pas comme ça

- Tu aurais dû aller à ce bal à la place. Ton absence ne passera pas inaperçue.

- Je n’en avais pas envi…bonne nuit Masson.

Et sans laisser le temps à son majordome de répondre, il entra dans sa chambre, verrouillant la porte derrière lui.

" Non, mais je peux me débrouiller, ne vous dérangez pas..."

Mais devant l'insistance de son hôte, il s'avança vers la magnifique voiture, puis se retourna une dernière fois pour serrer la main de son hôte.

"Eh bien, merci pour cette très instructive, soirée, le rafistolage, tout ça... En tout cas, j'espère que la prochaine fois vous serez un peu plus prudent dans vos expéditions nocturnes! Si on se recroise, je serai content de boire une pinte avec vous à l'occcasion!"

Il grimpa enfin et referma la porte, gêné par un tel traîtement de faveur, et Nyme put voir Nathanael se pencher vers le cocher , avant que l'équipage ne se mette en route. Un dernier signe de main avant qu'il ne disparaisse dans l'obscurité, caché par les bouquets d'arbres.