Une autre sortie

Elle ferma les yeux sous son baiser et sembla ronronner, comme un chat qu'on caresse. Elle se sentait tellement bien, malgré sa maladie. Elle profita de ce moment privilégié, au calme et sans oreilles indiscrètes, pour oser lui poser deux questions qui lui brûlaient les lèvres depuis des semaines, et qu'elle n'avait jamais osé poser. Après tout, elle l'avait soigné, et il lui avait sauvé la vie, ça créait des liens. Elle prit doucement la main de Nyme, l'incitant à s'asseoir à côté d'elle, puis hésita une seconde avant de se lancer.

Depuis des jours il y a des questions qui restent sans réponses... et j'aimerai bien avoir ces réponses. Tu n'es pas obligé d'y répondre si tu n'en as pas envie, ou si le sujet est trop douloureux.... Je... pourquoi l'homme du parc t'a-t-il appelé Joshua, et pourquoi es-tu venu faire réparer une robe de mariée alors que tu étais célibataire?

En faite, pour lui c’était deux questions toutes banales et il avait même complètement oublié que ça pouvait effectivement porter à confusion.

- Il m’a appelé comme ça parce que c’est mon nom. Nyme Joshua Wintercome. Mon père m’appelait toujours Joshua, c’était le nom de mon grand-père. Mais ma mère à ma naissance n’était pas d’accord alors elle m’a choisi un autre nom.

Et il ne se faisait plus appelé comme ça parce qu’il trouvait que ce n’était pas vraiment lui. Effectivement, c’était le prénom de son grand-père…pas le sien alors il préférait nettement celui que sa mère avait choisi pour lui.

- Et le robe…c’était celle de ma mère et ça fait des années que je voulais la faire réparer car je trouvais dommage de la perdre puisque ça fait des générations qu’elle est utilisé. Mais je n’avais jamais trouvé le temps pour le faire avant.

Nyme la regarda un moment dans les yeux.

- Et puis…elle pourra peut-être servir de nouveau…

Ses pommettes rosirent d'émotion, alors qu'elle baissait les yeux, gênée mais néanmoins heureuse d'entendre ce sujet évoqué. Bien sûr qu'elle y avait pensé, depuis un bout de temps déjà. Mais elle avait quand même une parcelle de bon sens.

Je l'espère aussi... mais on se connaît depuis si peu de temps! Et pourtant, j'ai l'impression de te connaître depuis toujours, et je n'ai jamais été aussi heureuse que depuis que je suis avec toi. C'est étrange non?

Elle sourit doucement, serrant sa main dans la sienne.

- C’est tout simplement parce que nous nous aimons.

Dit-il en passant doucement sa main sur la joue de Theodora. Il était content de voir qu’elle retrouvait un peu de couleur. Mais elle avait raison, ils se connaissaient depuis à peine un mois pourtant Nyme savait qu’il l’aimait.

- Mais les derniers jours m’ont fait réaliser que sans toi….je crois bien que je deviendrais fou. Hier j’ai eu si peur de te perdre. Dit-moi, est-ce que cette vie te plairait ? Je veux dire être ici avec moi à ne plus te soucier du loyer ou de la nourriture.

Il la regarde un moment. Nyme voulait le savoir, il devait savoir vers où ils allaient tout les deux. Car il était évident qu’ils devraient tout les deux changer ne serait-ce qu’un peu leur mode de vie restait à voir qui devrait le changer d’avantage.

Elle fut touchée de l'entendre lui parler ainsi, de sentir encore une fois combien il tenait à elle. Et là il lui proposait carrément de venir vivre avec lui... Elle en mourait d'envie, de le savoir tout près d'elle en permanence... Elle hésita quelques instants, pesant le pour et le contre, puis elle se lança. Au diable les convenances, et ce que les gens diraient. Ils n'était que des jaloux, car jamais il ne vivraient un amour comme Nyme et elle était en train de le vivre.

Oui...j'en ai très envie

Puis elle noua les bras autour du cou de Nyme et scella cet accord dans un baiser passionné et plein de fièvre. Au contact de ses mains sur son corps, des frissons électriques se mirent à la parcourir alors qu'elle se lova un peu plus contre lui.

Il sentit un frisson le parcourir, jamais elle ne l’avait embrassé de cette façon. Nyme la serra contre lui en continuant de l’embrasser, puis, réalisant ce qui se passait, il la lâcha avant d’aller trop loin.

- Désolé, je ne sais pas ce qui m’a prit.

Un peu nerveusement, il replaça ses vêtements froissés.

- Tu seras bien ici je te l’assure…et on pourra changer quelques petites choses si tu veux pour que ce soit un peu plus accueillant.

Après tout, le manoir était un peu sordide par endroit. Nyme resta près d’elle, gardant quand même certaines distances respectueuses. Ça ne se faisait pas quand même. Déjà qu’ils étaient tout le deux, seuls dans la même chambre sans être marié, c’était vraiment plus que suffisant pour éveiller les soupçons.

Rouge de confusion, elle baissa les yeux. Elle n'avait pas réfléchi à ce qu'elle faisait, elle s'était simplement laissée aller, et c'était si agréable que ça en devenait presque douloureux. Si Nyme l'avait doucement repoussée, c'était pour la protéger, pour éviter tout ragot sur son compte, pour que sa réputation reste sans tache. Et à ce moment là, les dernières légères réticences ou doutes qu'elle aurait pu avoir s'évanouirent. N'importe qui aurait pu profiter de la situation, mais lui non, même si elle avait senti que la fièvre qui l'habitait était réciproque. Elle murmura, pour tenter de dédramatiser la situation.

Ne t'excuse pas... je me suis laissée emporter moi aussi...

Mais il est vrai que, si ils vivaient sous le même toit, le problème risquait de se poser à nouveau.

- Donne-moi deux minutes, je reviens.

Sur ce il se leva et sorti de la pièce. On pu entendre bien des bruits, Nyme ne devait pas être allé très loin. Et, comme promis, il revint rapidement et retourna s’asseoir à ses côtés.

- Theodora, tu sais bien que je t’aime, que tu es la personne la plus merveilleuse qu’il m’ait été donné de rencontrer. J’ignore où je serais aujourd’hui si le destin n’avait pas fait en sorte que nos chemins se croisent. Tu es la plus magnifique et délicate et surtout la plus gentille et généreuse mais je crois bien qu’on ne pourra pas continuer ainsi.

Baissant les yeux, il marqua une pause avant de poursuivre.

- Je crois que malgré tout je te connais et t’estime suffisamment pour oser dire que quelque chose doit changer.

Il lui prit doucement la main et posa un genoux à terre.

- Theodora Riverblossom, voulez-vous me faire l’honneur de m’accorder votre main ?

Évidemment, ce n’était qu’une demande, mais ça réglerait plusieurs de leurs petits soucis. Ils pouvaient rester fiancer aussi longtemps qu’ils le voudraient si elle acceptait et le mariage n’était pas forcément proche. Mais la réputation de Theodora aux yeux des autres seraient déjà moins entaché si elle restait sous son toit s’ils étaient au moins fiancés.

Elle s'était attendue à tout, sauf à ça. Après la gêne de leur baiser passionné, elle s'était attendue à le voir revenir avec un sac contenant ses maigres affaires, mais pas à ce qu'il lui avoue encore une fois son amour. C'est seulement lorsqu'il mit un genou à terre qu'elle comprit où il venait en venir. Pourtant, quelques minutes auparavant, ils s'étaient dit qu'ils étaient trop jeunes pour envisager cette possibilité dans l'immédiat. Son coeur fit un bond dans sa poitrine, puis se mit à battre la chamade, alors que ses yeux se baignaient de larmes de bonheur. Elle balbutia avec difficulté, bouleversée par cette vague d'émotions inattendues.

Oui... oui Nyme Joshua Wintercome... je le veux!

Et elle se jeta à son cou pour l'embrasser, tentant de lui montrer par cette étreinte fiévreuse combien elle l'aimait passionnément, et combien elle était heureuse d'unir sa vie à la sienne. Elle espérait simplement qu'il ne s'était pas senti obligé de le faire, et qu'il n'allait pas le regretter par la suite.

Nyme la serra contre lui, les larmes aux yeux. Il avait quand même eu peur qu’elle refuse et n’aurait pas trop su quoi faire. Il tomba presque à la renverse quand elle se jeta sur lui mais réussis à se rattraper pour la tenir. Il la garda contre lui un instant avant d’ouvrir sa main droite devant ses yeux. Il avait été cherché une bague apparemment et c’était sans doute lui qu’on avait entendu fouiller et c’était la bague qu’il devait chercher. C’était une bague en or serti d’un diamant de bonne taille.

- Je ne crois pas que mon cœur ait déjà battu aussi fort.

Dit-il à bout de souffle avec un sourire. Nyme se sentait tellement léger, voilà, il allait pouvoir partager sa vie avec la femme qu’il aimait. De toute façon, pourquoi aurait-il attendu plus longtemps, il était certain qu’elle était la bonne.

Alerté par tout ce boucan, Masson ouvrit brutalement la porte pour voir ce qui se passait et parut bien étonné de les retrouver assis et enlacés parterre tout les deux.

- Que c’est-il passé ?

Elle resta de longues minutes ainsi, enserrant celui qui allait devenir dans peu de temps son mari, le visage glissé dans son cou. Puis doucement elle se recula pour lui faire face, et regarda ce qu'il tenait bien serré dans sa main. Une bague, une bague magnifique, tellement belle qu'on l'aurait dit sortie d'un conte de fées.

Oh Nyme, elle est magnifique...

Elle se laissa glisser la bague à son doigt, n'en croyant toujours pas ses yeux, avant de reprendre Nyme dans ses bras et de lui glisser à l'oreille.

Je te promets que je vais tout faire pour que tu sois le plus heureux des hommes...

Il venait de glisser la bague dans le doigt de Theodora quand Masson fit irruption dans la pièce. Mais apparemment, il aperçu la lueur de la bague et il comprit alors. Ignorant s’il devait approuver ou non cette décision des deux jeunes gens, il s’excusa d’être entré sans frappé et sorti.

- Tant que tu seras avec moi je ne pourrais qu’être le plus heureux des hommes.

Elle allait devenir sa femme, c’était merveilleux. Il se promettait de s’assurer qu’elle serait heureuse avec lui, qu’elle ne manquerait jamais de rien.

- Tu verras, tu vas être la plus heureuse…on t’installera ici, dans cette chambre.

Pour lui c’était normal qu’il ne dorment pas dans la même chambre, même marié car Nyme avait toujours vu ses parents dans deux chambres séparées et que c’était la norme pour beaucoup de gens.

- Mais assure toi de te soigner d’abord, c’est le plus important.

Elle était aux anges : l'homme qu'elle aimait plus que tout la voulait auprès de lui pour toujours. Parmi les centaines des filles de bonne famille de Londres, belles et richement dotées, il l'avait choisie, elle, Théodora, simple couturière, pour l'aimer et la chérir. Elle resta blottie contre lui, savourant cet instant.

Pas question que je reste ici et que tu dormes ailleurs... si je dois te laisser à tes patients la journée, je veux au moins t'avoir la nuit, et pouvoir dormir contre toi...

Nyme ne comprenait pas pourquoi elle lui disait ça, pour lui c’était évident que ça ne se faisait pas. C’était presque autant une évidence que le soleil qui se levait tout les matins.

- Pourtant, ça ne se fait pas….non ?

C’est vrai qu’il la laisserait seule parfois pour aller travailler. Quoiqu’elle ne serait jamais complètement seule et il faudrait d’ailleurs qu’il s’assure qu’elle ne puisse pas s’ennuie dans ce grand bâtiment.

- Du moins, je n’ai jamais entendu parler d’un mari et sa femme qui passait toute une nuit ensemble…

D’accord, il avait déjà surpris son père alors qu’il sortait de la chambre de sa mère pour regagner la sienne mais sinon rien.

Elle rit doucement, la tête sur son épaule. Ce n'était pas pour se moquer, c'était juste qu'elle riait de le voir ainsi bloqué dans ces convenances étriquées en cours à l'époque. En tout cas les convenances de la bourgeoisie. Dans les familles modestes, où ils vivaient tous dans à peine quelques mètres carrés, ce type de préciosités ne s'y appliquait pas. Et surtout, dans le monde de Nyme, faire chambre à part était bien pratique dans les ménages où il ne régnait pas d'amour. Mais elle voulait dormir à côté de lui, sentir sa présence rassurante, entendre son souffle régulier à côté d'elle. Faire autrement lui était impensable.

Ca ne se fait que dans ton monde... quand des gens sont heureux, et amoureux, pourquoi se sépareraient-ils la nuit? Ce n'est pas logique... Et même si ça ne se "faisait" pas, moi je n'ai pas envie d'être séparée de toi la nuit. C'est tout.

C’était dans ce genre de moment qu’il réalisait qu’il lui restait bien du chemin à faire pour séparer ce qu’on lui apprenait depuis son enfance de la réalité concrète. Au moins, Theodora ne s’en offensait pas et prenait ces petites erreurs avec le sourire. Quoique Nyme continuer à se demander s’il ne trouverait pas ça étrange tout d’un coup de partager son lit…peu importe, il finirait bien par le savoir !

- Très bien, nous aurons notre chambre si c’est ce que tu crois être le mieux.

De toute façon, pas question avant le mariage ! Nyme avait été raisonnable jusque là pour que personne ne puisse avoir de doute sur l’honneur de Theodora et il n’était pas question de tout gâcher en ne patientant pas encore un peu.

- Apparemment, il me reste encore bien des choses à apprendre, heureusement que tu es là.

Elle rit à nouveau, faisant mine de s'offusquer de la raideur de Nyme à ce propos. Elle replaça quelques mèches de ses cheveux derrière ses oreilles avec un regard attendri.

Et toi... tu ne voudrais pas me savoir à tes côtés la nuit? Sentir ma présence tout près, et pas séparée par un mur ou une porte? Il faut que tu commences à écouter tes envies et tes goûts, et arrêter d'agir selon une sorte de morale qu'on t'a imposée... Tu verras comme c'est libérateur de ne plus soucier des autres, mais de penser à soi...

Et, tant que j'y pense... j'aimerai beaucoup ouvrir une école pour que les petites filles des quartiers pauvres, ou orphelines, apprennent à coudre et à broder. Ca permettrait d'avoir un vrai métier, respectable, et de leur éviter de tomber dans la prostitution... Mais pour ça j'aurai besoin de ton aide. Qu'en penses-tu?

- C’est vrai que tu me manques à chaque instant que tu es loin de moi alors ça ne serait peut-être pas si mal…Enfin, je n’en sais rien, mais j’imagine…C’est difficile tout de même de tenter de te convaincre que tout ce que tu te fais répéter depuis des années au contraire d’être un fait établi se trouve à être complètement faux.

Puis elle lui parla de son projet. Décidemment, dans cette famille ils en avaient des idées.

- Et bien je…j’avais déjà parlé d’orphelinat avec ton frère. Alors je ne sais trop ce qui pourra être possible pour le moment…Il faudra que j’étudies mes moyens et évidemment, il faudra entreprendre une certaine vie…

Nyme marqua une pause avant de prononcer le prochain mot comme si le simple fait de le prononcer ne lui plaisait pas.

- Mondaine…pour amasser des fonds.

Ce ne fut pas non plus de gaieté de coeur qu'elle entendit prononcer ces mots, mais pour sauver des centaines d'enfants de la misère et de la maladie, elle était bien capable d'endurer de temps en temps quelques soirées ennuyeuses à mourir, engoncée dans un corset, à parler de la pluie et du beau temps avec des gentlemen qui n'en avaient strictement rien à faire, et à des femmes tristes comme la pluie qui serait seulement là pour exhiber leurs diamants...

Une seule soirée ennuyeuse pourrait apporter tellement à ces enfants... Si ma vie va se résumer à rester ici, et à passer mes journées à ne rien faire qu'à t'attendre et à m'acheter des robes, je vais vite devenir folle. Je ne suis pas comme ça... Je me dis que, si la chance, le destin ou peu importe nous accorde une vie pleine de bonnes choses, il est juste de rendre un peu la pareille à ceux qui n'ont rien, non?

- Oui…j’imagine que si l’on peu supporter ce genre de soirée…rien ne nous empêche d’aider les autres. Surtout, je ne voudrais pas du tout t’enfermer ici car je sais que tu t’ennuierais mais je ne voudrais pas non plus que tu te chagrines à cause de ce que ces langues de vipères pourraient raconter à ton sujet.

Nyme la serra contre lui, c’était surtout ça qu’il craignait. Il savait qu’il pouvait le supporter lui, mais elle n’avait pas l’habitude.

- Mais j’aimerais bien pouvoir aider ces enfants…ne serait-ce que quelques un d’entre eux…comme le petit William. Je ne te l’ai pas présenté encore je crois mais il vit maintenant avec la famille de mon cocher, tu sais, dans la petite maison juste derrière. C'est un enfant mais c'est un début...

Mon frère m'en avait parlé, c'est vrai, mais tu ne m'as pas encore laissée sortir pour aller le voir. J'aimerai bien aller le voir, lui et le reste de la famille dès que tu m'estimeras guérie.J'imagine la joie que tu as du ressentir en le voyant tiré du danger...j'aimerai faire de même.

Puis elle se perdit quelques instants en réflexions avant de se repencher vers Nyme.

Je sais que nous n'en avons pas parlé, mais... quel type de cérémonie voudrais-tu? J'avoue que de t'avoir toi et mon frère à mes côtés me suffira amplement... et toi?

(hrp : Est-ce que ça te dit qu'on passe au mariage, ou à autre chose? J'ai plus d'inspiration pour cette discussion ^^)

- J’aimerais éviter la grande cérémonie…ou au moins éviter de se retrouver avec des gens ennuyants…en faite, je n’ai jamais été à un mariage alors je ne sais pas trop. Quelque chose de simple, tant que tu es avec moi.

De toute façon il ne pouvait pas se marier sans elle et les fêtes mondaines étaient trop ennuyantes, il ne voulait pas ça pour son mariage. Tout ce qu’il voulait c’était l’épouser, être simplement heureux et peut-être avoir une chance de s’amuser.

(hrp : on peut avancer ouais, on ferme le sujet et on passe à un autre avant de tourner en rond encore et encore ^^)